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LA VAGUE OMICRON : UNE VAGUE TRÈS DIFFÉRENTE DES PRECEDENTES

Un nouvel avis du Conseil Scientifique a a été transmis aux autorités nationales le 19 janvier. Le rapport met en avant la particularité de la 5ème vague : la vague Omicron une vague très différente des précédentes.

La 5ème vague liée au variant Omicron est différente des précédentes pour 3 raisons :

Cette 5ème vague liée au variant Omicron n’est pas terminée et son retentissement sur le système de soins, va rester élevé mais en partie gérable, et ce jusqu’à mi-mars. Les enjeux pour la prise en charge des patients non COVID liés aux déprogrammations et les difficultés de gestion en personnel pour les établissements de santé sont une nouvelle priorité pour les semaines qui viennent.

Le Conseil scientifique a déjà émis plusieurs notes ou avis sur la vague liée au variant Omicron. Dans cette note, il souhaite insister sur le fait que cette vague n’est pas terminée, aborder certains points particuliers de la gestion de la crise à court terme, refaire le point sur les traitements actuels ou à venir et commencer à envisager quelle pourrait être la situation sanitaire mi-mars 2022.

VISION COURT TERME : FIN-JANVIER 2022

(i)               Un niveau de contamination massif jamais atteint jusqu’ici

En Ile-de-France, il a été observé un léger ralentissement du nombre de cas journaliers en fin de S2, alors 350 000 cas étaient recensés par jour au niveau national. Cependant, une remontée importante du nombre de cas a été notifiée le 18 janvier avec environ 460 000 cas déclarés en 24h. Il semble que cette remontée s’explique par un regain de l’épidémie chez les moins de 15 ans et chez les 30-44 ans, suggérant un effet important de la rentrée des classes

: le virus circule de façon intense chez les plus jeunes et se propage ensuite aux parents. Il y a un risque que ce rebond touche progressivement les autres groupes d’âge, et notamment les plus fragiles. Le nombre d’admissions quotidiennes à l’hôpital a dépassé les 2 000/jour depuis le 7 janvier 2022, et se situe actuellement à un niveau intermédiaire entre le pic de la troisième vague d’avril 2021 et celui plus élevé de la deuxième vague de novembre 2020. Le nombre de patients hospitalisés a dépassé le 18 janvier les 25 000 (80% des 30 000 atteints au plus fort des vagues précédentes), et celui des patients en soins intensifs reste légèrement en deça des 4 000 (66% des 6000 atteints lors des vagues précédentes).

La situation va être plus difficile dans les régions du Sud de la France (Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, et Provence-Alpes-Côte d’Azur) où les niveaux d’occupation des lits sont déjà similaires à ceux rencontrés au pic des vagues précédentes. 90% des souches séquencées sur le territoire français sont maintenant du variant Omicron.

Les modélisations de l’équipe de Simon Cauchemez à l’Institut Pasteur suggèrent qu’au niveau national, le pic des hospitalisations devrait être atteint dans la deuxième moitié de janvier avec environ 4000 patients COVID-19 en soins critiques et entre 15 000 et 18 000 patients en hospitalisation conventionnelle au pic de la vague (voir https://modelisation- covid19.pasteur.fr/realtime-analysis/omicron-variant-epidemic/). Ces modélisations ne prennent cependant pas en compte le rebond lié à la rentrée scolaire mentionné plus haut, et pourrait donc sous-estimer l’impact de cette vague sur l’hôpital si le rebond lié à la rentrée scolaire se traduit par un regain des infections chez les plus fragiles. Par ailleurs, ce modèle ne prend pas en compte les disparités régionales, qui sont importantes.

L’analyse des données de criblage et des données sur les cas suggère que depuis l’émergence d’Omicron, 4.5 millions de cas déclarés ont été infectés par le variant Omicron. Cela correspond à 9-14 millions d’infections par le variant Omicron depuis l’émergence du variant en France sous l’hypothèse que 33-50% des infections sont détectées comme étant des cas positifs. Ce niveau d’infections est exceptionnel sur une si courte période dans l’histoire de l’épidémie. Pour rappel, on estime que le nombre de contaminations durant la 1ère vague (mars-avril 2020) était d’environ 3 millions. Mi-février, une immunité post-infectieuse large (supérieure à 15 millions) va donc se rajouter à l’immunité induite par la 3ème dose/rappel (supérieure à 35 millions) sans qu’on puisse cependant affirmer qu’un niveau suffisant d’immunité collective sera atteint et que celle-ci sera durable pour protéger efficacement contre un nouveau variant.

(ii)             Un système de soins en tension très forte jusqu’à mi-mars 2022

(iii)           COVID long post Omicron ?

Il n’y a pas de données concernant la fréquence et l’importance des symptômes prolongés en fonction des variants, on ne sait donc pas quel sera le nombre de personnes souffrant d’une forme chronique de COVID au décours de la vague Omicron en France. Le fait que le variant Omicron soit moins sévère au plan clinique pourrait réduire la fréquence de survenue de cas de COVID long, mais ce n’est là qu’une hypothèse.

Le Conseil scientifique note que la loi sur le COVID long a été adoptée le 13 janvier 2022. Elle prévoit la mise en place d’une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques du COVID avec une organisation territoriale confiée aux ARS et la prise en charge des soins et des analyses liées au COVID. Cette structuration des soins vient en complément des « Réponses rapides » à destination des professionnels de santé éditées par la HAS en février 2021 et actualisées en novembre 2021 : fiches sur les stratégies de premier recours et fiches par symptôme ou spécialité. Il conviendra de veiller à ce que les moyens humains et financiers soient alloués à la prise en charge nécessairement prolongée dans le temps de ces patients, notamment pour les métiers de la rééducation et de la santé mentale indissociables du parcours de soin. Les cohortes mises en place par l’ANRS MIE sur cette thématique devraient pouvoir surveiller les éventuelles formes post Omicron.

VACCINATION

Le Conseil scientifique tient à rappeler que la stratégie vaccinale relève des compétences du Conseil d’Orientation de la Stratégie Vaccinale et de la Haute Autorité de Santé.

Dans ce court chapitre, le Conseil scientifique souhaite seulement apporter quelques réflexions concernant certains aspects de la réponse globale à la crise sanitaire.

La vaccination a donc un effet partiel et non nul sur l’infection.

En vision de gestion de crise, il nous manque donc un vaccin plus efficace contre l’infection. Les nouveaux vaccins à ARNm dédiés contre les variants ne répondent que partiellement à cette question. Les vaccins injectés par voie nasale (stimulant l’immunité muqueuse) sont en cours d’évaluation. Il faudrait probablement les utiliser associés à une vaccination par voie générale. L’approche d’un vaccin universel est encore très lointaine.

Pour tenter d’optimiser le niveau de primo-vaccinations qui a récemment augmenté (autour de 200 000 par semaine), l’arrivée de nouveaux vaccins non ARNm pourrait avoir une meilleure acceptation, y compris peut-être en outre-mer.

2.    TRAITEMENTS : DES CONNAISSANCES EVOLUTIVES

Comme cela a été rappelé dans l’avis de 8 décembre 2021 du conseil scientifique, depuis le début de l’épidémie COVID, les options thérapeutiques antivirales se sont diversifiées et enrichies, en complément des gestes barrières et des mesures de protection. Ces traitements antiviraux constituent une arme de plus dans l’arsenal des interventions que nous avons à notre disposition pour lutter contre le COVID-19 notamment : (i) en prévenant la survenue de la maladie chez ceux qui sont faiblement ou non répondeurs après un schéma vaccinal complet ; ii) en évitant la progression de la maladie chez ceux qui sont infectés par le virus et à risque de survenue de formes sévères. Nous pouvons classer ces traitements antiviraux en 2 groupes : i) les anticorps monoclonaux ; ii) les antiviraux directs. Même si l’émergence du variant Omicron, porteur de multiples mutations sources d’échappement immunitaire et résistant partiellement ou totalement à l’activité neutralisante des anticorps monoclonaux en particulier, a eu un impact sur la nature des traitements à utiliser, ces traitements doivent être systématiquement discutées :

  1. En traitement pré-exposition pour tous les patients ayant une pathologie de l’immunité ou néoplasique, ou des traitements immunosuppresseurs et qui sont faiblement ou non répondeurs après un schéma vaccinal complet conformément aux recommandations en vigueur
  2. En traitement post-exposition pour toute personne ayant au moins un facteur de risque de forme grave et un test virologique négatif, mais qui est sujet contact récent d’une personne avec test virologique positif
  3. En traitement curatif pour tout patient ayant un test virologique positif et au moins un facteur de risque d’évoluer vers un COVID-19 sévère

a.    Les anticorps monoclonaux disponibles

Nous disposons actuellement des traitements suivants :

Il existe encore des freins notamment liés à l’utilisation de ces traitements en termes d’organisation de soins mais aussi en termes de l’adhésion des prescripteurs sur l’intérêt des anticorps monoclonaux.

Si des efforts ont été réalisés pour lever un certain nombre d’obstacles avec notamment par exemple la disponibilité de Evusheldâ en ambulatoire (mais sur prescription hospitalière), en pratique le circuit de prescription de ces traitements doit être amélioré. Il est important que les professionnels des soins de santé primaire s’emparent de cet outil thérapeutique.

Il faut noter que dans l’indication prophylaxie post-exposition, aucune molécule n’a à ce jour d’indication d’accès précoce depuis l’émergence d’Omicron. ANRS-MIE a recommandé l’utilisation dérogatoire de Xévudyâ et Evusheldâ pour les personnes les plus à risque et l’examen scientifique de la possibilité d’usage de plasmas de convalescents vaccinés ayant reçu un rappel en attendant les plasmas de convalescents d’Omicron. Il existe la possibilité d’utiliser l’Evusheldâ en compassionnel dans cette indication. Pour l’avenir il est important de continuer d’identifier et d’évaluer de manière précoce des anticorps en développement clinique dans le monde.

b.    Les antiviraux à action directe vont compléter l’arsenal thérapeutique très prochainement

Les laboratoires Pfizer ont développé un antiviral per os (Paxlovidâ). Les premiers résultats concernant Paxlovidâ semblent être prometteurs chez les personnes COVID-19 s’il est administré précocement même si pour le moment nous possédons uniquement des données préliminaires. Ces résultats montrent une réduction de près de 89% du risque d’hospitalisation et de décès avec une administration précoce, dans les 3 jours, après l’apparition des symptômes chez les patients à risque de forme grave ; l’efficacité est maintenue si le traitement est administré dans les 5 jours après le début des symptômes. Ces résultats doivent toutefois être confirmés par des publications scientifiques. L’inquiétude sur le variant Omicron est moindre avec cette molécule du fait des données récentes in vitro quant à une efficacité du Paxlovidâ maintenue sur ce variant (Vangeel BioRxiv 2021). En l’absence d’anticorps monoclonaux efficaces dans cette indication, le Paxlovid pourrait être le seul traitement disponible pour prévenir l’évolution vers une forme grave chez les patients à risque infectées. Ce traitement ne sera disponible en quantité qu’à partir de février 2022 mais il est important de préparer son arrivé en terme d’organisation des soins et des modalités de sa mise à disposition/délivrance. A noter que les interactions médicamenteuses potentielles, peuvent rendre le traitement par Paxlovid complexe en pratique chez des patients poly- médicamentés ou poly-pathologiques, bien qu’il s’agisse d’un traitement court.

Le Veklury® (remdesivir), qui n’avait pas montré d’efficacité franche chez les patients hospitalisés oxygénorequérants (Ader et al. Lancet Infect Dise 2021) vient d’obtenir au niveau européen une extension d’indication chez les patients non oxygénorequérants (une administration par voie intraveineuse par jour pendant trois jours, avec possibilité d’administration en ambulatoire sous surveillance médicale). Cette extension d’indication a été obtenue suite aux résultats d’un essai thérapeutique (Gottlieb NEJM 2021) qui montre une efficacité de 87% de ce traitement en ambulatoire dans la prévention du risque d’hospitalisation dans les 28 jours s’il est administré précocement après l’apparition des symptômes chez les patients à risque de forme grave. Par ailleurs l’efficacité du remdesivir serait conservée sur le variant Omicron (Vangreel BioRxiv 2021). Ce médicament n’est pas commercialisé en France mais des stocks sont disponibles. Dans la mesure où ni le Xévudyâ ni le Paxlovid® ne sont actuellement disponibles, ce traitement peut être utilisé chez les patients non oxygénorequérants avec facteurs de risque d’évolution défavorable, en particulier les patients immunodéprimés et qui sont ou seront hospitalisés.

GÉRER LA VAGUE OMICRON JUSQU’À MI-MARS 2022

  1. La 5ème vague liée au variant Omicron demeure à un niveau très élevé au niveau national avec un regain épidémique possiblement lié à la reprise de la vie Son impact sur le système de soins va se poursuivre durablement jusqu’à mi-mars 2022. Les projections suggèrent que le retentissement sur le système de soins pourrait être géré si, et seulement si, la réduction des contacts et la conservation des gestes barrières se poursuivent durant les semaines qui viennent. Ce double message d’espoir et de prudence doit être porté collectivement.
  2. Durant cette période, le nombre de patients en réanimation et soins critiques va demeurer élevé, avec une occupation partielle de ces lits par des patients qui ont été infectés par le variant Delta. On est actuellement à près de 4 000 patients COVID + en soins critiques et ces chiffres vont demeurer élevés dans certaines régions du sud de la France même si la situation globale est maitrisée.
  3. Limiter les déprogrammations chirurgicales et médicales est un enjeu majeur pour cette période, ce qui va être source de tensions entre les différentes équipes médicales : le partenariat public/privé est un élément important de la réponse.
  4. Poursuivre la stratégie actuelle sur l’utilisation large des tests (PCR, antigénique, autotest), sans modifier pour l’instant la stratégie d’accès aux tests diagnostiques, pour :
    • Dépister précocement les sujets à risque pour pouvoir leur proposer un traitement précoce à partir de février.
    • Reprendre une stratégie de « Tester, Alerter, Protéger » dès que le niveau de circulation virale le
    • Surveiller l’évolution virale post-Omicron par la stratégie de criblage-séquençage.
  5. S’il s’avère que la reprise épidémique constatée depuis le 18 janvier 2022 est bien liée à une circulation très active du virus dans les écoles primaires, les maternelles, et les crèches, il conviendra d’y allouer au plus vite des moyens supplémentaires pour renforcer les protocoles sanitaires de prévention et dépistage des infections en milieu scolaire et dans les crèches (voir avis précédents du Conseil scientifique). Il conviendra aussi de s’assurer que les personnes fragiles vivant au contact des enfants ou de leurs parents sont au mieux protégés du risque d’infection pendant cette période critique (éviction des contacts, gestes barrières et vaccination).
  6. Poursuivre sur le même rythme la politique de vaccination pour la dose de rappel/3ème L’installation à court terme du passe vaccinal (justifié dans ce contexte) devrait également permettre d’augmenter la primo-vaccination chez les non-vaccinés en particulier à risque. Attendre des données scientifiques solides pour décider d’une éventuelle 4ème dose chez les populations à risque.
  7. Prioriser la prise en charge des immunodéprimés, en particulier au niveau des
  8. Optimiser la mise en place des antiviraux par voie oral qui peuvent profondément modifier la gestion de crise pour non-vaccinés.

OU ALLONS-NOUS APRÈS OMICRON ?

  1. Alors que nous sommes encore en pleine vague liée au variant Omicron, il peut paraitre prématuré et présomptueux de poser cette interrogation… C’est pourtant cette question que se posent beaucoup de nos concitoyens qui veulent retrouver une vie normale. Le Conseil scientifique se réserve le droit de revenir de façon plus argumentée sur la réponse à cette question, mais souhaite ici poser quelques éléments de débat.

 

  1. L’ambiance générale parfaitement compréhensible est de penser qu’on sera en mars- avril 2022 « au début de la fin » en raison d’une immunité collective très élevée liée au nombre massif d’infections avec le variant Omicron qui est nettement moins sévère, et d’un très haut niveau vaccinal, y compris pour la 3ème dose/rappel. L’expérience récente (variants Alpha, Delta et Omicron) nous a malheureusement montré que l’arrivée d’un nouveau variant était difficile, voire très difficile à anticiper… Une veille internationale permettra de faire une analyse de risque au décours de la fin de la circulation du virus Omicron.

 

  1. Quatre grands types d’enjeux sont importants à anticiper :
    • Immunité collective naturelle et post-vaccinale et sa durée.
    • Mécanismes d’apparition des nouveaux variants
    • Couverture vaccinale et nouveaux
    • Circulation du virus dans les pays à ressources limitées et peu vaccinés.

 

4.     Va-t-on vers :

Dans tous les cas, les capacités des systèmes de surveillance, épidémio-clinique afin de définir très rapidement les caractéristiques du nouveau variant seront essentielles. Elles doivent donc être anticipées et préparées.

 

Le Conseil scientifique devrait produire un nouvel avis sur ces grandes questions dans les semaines à venir.

 

Le Conseil Scientifique

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