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Interdiction du valproate : plus de 37 000 femmes en danger et interdites de grossesse

L’annonce de l’Agence Nationale du médicament du 12 juin, confirmée aujourd’hui, d’interdire le valproate aux femmes en âge de procréer provoque la réaction du Comité National de l’Epilepsie* qui regroupe 19 associations autour de l’épilepsie en France.

UNE DOUBLE PEINE POUR LES FEMMES ÉPILEPTIQUES :

L’IGAS recense 37 830 femmes épileptiques en âge de procréer traitées sous valproate en 2014 (rapport IGAS 2015-094R). L’ANSM annonce le 12 juin qu’on va leur interdire le valproate. Par mesure de précaution du risque tératogène avéré des antiépileptiques, et parce qu’elles sont en âge de procréer, on les prive de traitement qui peut être le seul efficace, on augmente le risque de crises, de blessures, de visites aux urgences, on accroît leur handicap (permis de conduire, emploi) et le risque de mort soudaine (multiplié par 6), on diminue leur espérance de vie, on leur refuse la grossesse.

Cela pose une question grave d’ordre éthique car les femmes épileptiques ne doivent pas être moins bien soignées que le reste de la population. Les femmes épileptiques comme les autres doivent avoir le droit d’exercer leur choix. Le consentement éclairé est un pilier de la relation patient-médecin.

Pourquoi un tel excès de zèle a posteriori ?

Une solution de facilité pour s’affranchir d’une information nécessaire, mais insuffisante jusqu’à aujourd’hui? Interdire pour ne pas avoir à prendre en charge un accompagnement coûteux ? Cacher le vrai scandale, celui de la prise en charge désastreuse de l’épilepsie aujourd’hui dans notre pays ?

La volonté de protéger de potentiels enfants à naître doit-elle porter atteinte à la santé de milliers de petites filles, jeunes filles et femmes, qui ne peuvent pas se passer du valproate, et qui sont en capacité soit de mener une grossesse encadrée par un neurologue et un obstétricien, soit de choisir ne pas avoir d’enfants, soit qui n’ont pas de raison de faire usage d’une contraception active en raison de leur lourd handicap (les jeunes femmes polyhandicapées en établissement, incapables d’une relation sexuelle consentie). Priver les petites filles de ce traitement risque de créer des situations de handicap futures car les crises en elles-mêmes peuvent être toxiques, surtout dans l’enfance.

Dans tous les cas, les femmes et les filles traitées au valproate ne doivent pas arrêter brutalement leur traitement et doivent consulter leur médecin (recommandation européenne).

UNE ÉTUDE DE L’IGAS IGNORÉE

Extrait de l’enquête relative aux spécialités pharmaceutiques contenant du valproate de sodium IGAS – Février 2016 – 2015-094R : « On sait ainsi aujourd’hui que les enfants exposés in utero au valproate de sodium ont un risque significativement majoré de malformations congénitales et d’altération de leurs capacités cognitives et comportementales .Une grossesse est un événement qui doit  conduire à réévaluer le rapport bénéfices/risques du traitement d’une maladie complexe. S’il est démontré que le valproate augmente le risque de malformation à la naissance, doivent également être pris en compte le fait qu’il n’y a pas toujours d’alternative thérapeutique à la Dépakine® dans certains cas d’épilepsie et qu’il existe des risques liés à ce que  les épileptologues  appellent  un  «  switch »  (changement  de traitement). Changer de traitement 3 à 5 fois au cours des 12 derniers mois multiplie ainsi par 6 le risque de SUDEP. Il apparait donc que la stratégie thérapeutique ne peut se limiter à une simple éviction d’un traitement de l’épilepsie par valproate de sodium. Une évaluation éclairée de la balance bénéfices / risques doit permettre d’adopter une attitude adaptée à chaque situation  pour  que  le bénéfice  maternel  soit maintenu avec un risque minimum pour l’embryon. »

Pourquoi a-t-on balayé d’un revers de la main les conclusions de ce rapport officiel ?

 

LES ASSOCIATIONS DE PATIENTS ET LES SOIGNANTS JUSQU’ICI ÉCARTES

Cette décision est grave, basée sur un principe de précaution biaisé, qui ne tient pas compte de l’avis des soignants ni des associations agréées de patients. L’association déplore aujourd’hui :

Les associations de patients souffrant d’épilepsie demandent :

Les associations militent depuis longtemps pour une stratégie nationale de prise en charge des 600 à 800 000 patients vivant avec une épilepsie en France. Évitons un nouveau scandale, des informations anxiogènes non- maîtrisées, mettons l’ensemble des acteurs autour de la table de Mme BUZYN, et élaborons enfin une stratégie globale sur l’épilepsie.

 

Les chiffres de l’épilepsie :
Entre 600 et 800 000 patients en France 2ème maladie neurologique après la migraine 2500 neurologues seulement en France 10% d’erreurs de diagnostics
5 ans d’errance diagnostique en moyenne
Un tiers des épilepsies sont pharmaco-résistantes
40% des enfants atteints ont des troubles de l’apprentissage
Un quart des personnes épileptiques présente une déficience intellectuelle Une personne sur 5 en établissement médico-social souffre d’épilepsie 110 personnes par jour en France font une première crise d’épilepsie
Un tiers des patients adultes est sans emploi

 

*Les membres du Comité National de l’épilepsie: Ligue Française contre l’Epilepsie, EFAPPE Epilepsies Sévères (Fédération regroupant: Alliance Syndrome de Dravet, Association Syndrome d’Angelman, Association française Syndrome de Rett, Association Sclérose tuberculeuse de Bourneville, Les enfants de West, Paratonnerre, AEGE, ARIANE, EPI, EPI Bretagne, EPI Ile de France, Lou Têt, Vivre sa Vie), Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie (FFRE) Comité National des Directeurs d’Etablissement pour Epileptiques (CNDEE) Centre National de Ressources pour les Handicaps Rares à composante Epilepsie Sévère (FAHRES) Club EpilepsieS (chercheurs) et Epilepsie-France.                

 

 

Dr Arnaud Biraben, Président du Comité National de l’Épilepsie

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