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Consommons-nous trop de médicaments?

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En 1980, les Français dépensaient 5 milliards d’euros de médicaments. Ce chiffre s’élève, désormais, à 37 milliards. Non seulement,  nous sommes les champions du monde de consommation médicamenteuse, nous consommons les médicaments les plus chers    et nous ne sommes pas en meilleure santé. A qui la faute ? Réponses.   

Etat des lieux : « nous sommes le 2è consommateur d’anxiolytiques après le Portugal, 10 fois plus que l’Allemagne, les Pays-Bas et la GB, 5 fois plus que le Danemark et la Suède. Le 2è consommateur d’hypnotiques après la Suède, 6 fois plus que l’Allemagne et les Pays-Bas, 3 fois plus que la GB et le Portugal.

Ces prescriptions proviennent à 90% des généralistes. Nous consommons 46% de plus de statines anticholestérol, chères, et 41% de plus d’antibiotiques que la moyenne européenne.

2è consommateur d’antibiotiques après la Grèce avec 2,6 fois plus que les Pays-Bas, 2 fois plus que l’Allemagne et la Suède, 1,6 fois plus que la GB et l’Espagne, prescrits à 70% par les généralistes.

Nous prescrivons les antidiabétiques derniers sortis, très chers, et sans intérêt thérapeutique par rapport aux plus anciens, beaucoup moins chers et mieux connus et donc avec une meilleure sécurité d’utilisation ». Serge Rader, pharmacien

Trop d’ordonnances

Aux Pays-Bas, sur 10 consultations il y a 4 ordonnances. En France, sur 10 consultations, il y 9,7 ordonnances! En France, une boite délivrée sur 4 est un générique. C’est moins de 15% des dépenses de médicaments. En Grande Bretagne, le générique représente 80% des prescriptions. 60% en Allemagne. C’est pourquoi il faudrait entrer dans un système d’appel d’offres comme en Grande Bretagne pour les génériques.

Des médicaments soi-disant nouveaux et hors de prix  

 L’étude de l’Insee du 18 juillet 2012 a révélé qu’entre 2000 et 2010, le prix «net» des médicaments a augmenté en France de 0,6% par an en moyenne.

En 2010, le 1er médicament remboursé est le Tahor, médicament contre le cholestérol de la classe des statines, avec 485 millions € remboursés. Celui-ci réalise le plus gros chiffre d’affaire des médicaments vendus en pharmacie. Il est suivi par l’Inexium, médicament anti-ulcéreux, avec 329 millions d’euros remboursés par la Sécurité Sociale.

Un autre médicament qui coûte cher à la sécurité sociale est le Plavix, un antiagrégant plaquettaire estimé à 424,23 millions d’euros. La boite est aujourd’hui à 37,11 euros, alors que ce médicament pourrait être remplacé dans bon nombre de cas (pas tous) par de l’aspirine (Kardégic par exemple, à 2.95 euros). Le générique de ce médicament, le Clopidogrel est à 26,09 euros. En Italie, le Plavix est à 18,35 euros et son générique à 16 euros, tandis qu’en Angleterre, le générique est à 2,26 euros!

Il s’agit de médicaments récents et plus coûteux, bien qu’ils ne présentent pas de bénéfice particulier par rapport aux médicaments génériques disponibles, très largement utilisés dans des pays tels que l’Allemagne et le Royaume-Uni.

L’exemple du Plavix

   

2008

2009

2010

Oct 2011

Juin 2012

France           TVA 2,1%

PLAVIX

56,82 € / 482 M€ remb à 93% Sécu  8,2 M Btes

56,82 € / 430 M€

49,08 € / 203 M€

43,60 €

37,11 €

Clopidogrel

0

32,08 € / 28 M€

30,08 € / 167 M€

28,07 €

26,09 €

Italie             TVA 10%

PLAVIX

     

23,00 €

18,35 €

Clopidogrel

     

16,36 €

16,00 €

GB                  TVA 0

PLAVIX

     

41,60 €

 

Clopidogrel

     

2,26 € / 60 M€  Honor. Distrib.

 

Le Plavix, N° 1 à la Sécu en 2008, et son générique Clopidogrel auraient pu faire économiser s’ils avaient été aux prix italiens, plus de 220 M€ en 2009 et près de 170 M€ en 2010.

Actuellement, on pourrait économiser 50% des remboursements sur Plavix et 40% sur Clopidogrel.

Jusqu’à récemment, le Plavix était le moins substitué des princeps courants, à cause de la mention NS portée sur l’ordonnance des cardiologues (jusqu’à 30% des délivrances Plavix et Clopidogrel)….Amélioration actuellement grâce à l’obligation du générique contre délégation de paiement.

Pour contourner aussi le générique, Sanofi a sorti début 2011, le Duoplavin qui est du clopidogrel avec de l’aspirine 75mg à 31,04 € la boite. Alors que le Plavix n’est pas plus efficace que l’aspirine à faible dose telle Kardegic présentée comme antiagrégant plaquettaire aussi à 2,95 € la boite.

 

Médicaments remboursés

France

Tot présenté Sécu 2010

Italie

G.B.

Arimidex A.Z. cancer sein

116,50 / Bte

110 M€

46,78 / Bte

80,04 / Bte

Anastrozole Gé

68,80

 

39,78

4,22 hors HD

Casodex A.Z. cancer prostate

72,42 TFR

36 M€

53,00

 

Bicalutamide Gé

72,42 TFR

 

29,83

 

Fortzaar 100/25 M.S.D -HTA

29,77

40 M€

9,52

 

Losartan HCT Gé

18,49

 

7,57

 

Aromasine Pfizer cancer sein

123,09

26 M€

71,80

 

Exémestane Gé

72,54

 

64,80

 

Xalatan Pfiz. Gé glaucome

11,28

65 M€

6,98

 

Très nombreux exemples de différences de prix  pour des produits représentant un chiffre important à la Sécu.

Quand santé rime avec lobbys pharmaceutiques

Une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) de 2008 a révélé qu’au sein d’une même classe thérapeutique, c’est-à-dire d’un groupe de médicaments dont les effets sont similaires, les variations de prix peuvent atteindre jusqu’à 400 % ! « Des écarts dus en partie à la  » prime à la nouveauté  » dont semblent jouir les nouveaux entrants, prime qui se traduit par un prix sans rapport avec leur valeur ajoutée thérapeutique réelle. Hélas les années se suivent et se ressemblent, montrant la panne d’innovation alors que les coûts pour la collectivité en France ne cessent injustement d’augmenter sous l’influence du lobby de l’industrie pharmaceutique. Le Professeur Philippe Even explique que depuis 1990 « pas un seul traitement de grande envergure, c’est-à-dire qui soit à la fois très actifs et qui concerne un grand nombre de malade n’a été découvert. L’industrie a décroché elle a abandonné les recherches devenues trop complexes». Triste constat. Malgré cela, les lobbys pharmaceutiques n’hésitent guère à faire monter les prix de médicaments aux molécules similaires sous prétexte qu’ils seraient nouveaux. Michèle Rivasi déclare : « cette tendance incite les laboratoires pharmaceutiques à multiplier les nouveautés en ne modifiant que très peu les produits existants. Résultat, le répertoire pharmaceutique est encombré de produits sans intérêt thérapeutique, comme le dénoncent les Professeurs Bernard Debré et Philippe Even dans leur dernier ouvrage* avec 4000 médicaments passés au crible.

Soucieux d’éviter l’effondrement de leurs marges, les industriels redoublent d’efforts pour influencer les prescripteurs via les visiteurs médicaux. «Beaucoup de praticiens, sous l’influence marketing des firmes, prescrivent les derniers médicaments sortis, plus chers et sans plus value thérapeutique par rapport aux précédents ou aux génériques » Serge Rader, pharmacien.

D’où le fait que la France demeure l’un des plus gros consommateurs de médicaments en Europe.

Saviez-vous que le marketing est le premier poste de dépenses des labos et non plus la recherche et développement. ? « Il est scandaleux de dépenser 25.000 €/an pour chacun des 90.000 prescripteurs pour faire prescrire des produits chers n’apportant rien de plus. c’est une aberration de faire payer par les citoyens les dépenses de marketing pour des médicaments qui ne sont que de nouvelles variantes à peine modifiées d’anciennes molécules ou médicaments à brevets expirés sortis sous une forme à peine modifiée dans une nouvelle indication. (Il suffit de modifier la moindre petite chose dans la composition pour breveter cela comme un nouveau médicament). Ou alors des médicaments insuffisamment testés et dont le rapport bénéfice/risques n’a pas été assez étudié et pour lesquels ces citoyens serviront des cobayes, en plus de payer… (Payer les leaders d’opinion, financer la visite médicale, la formation médicale continue ; financée à 98% par les labos), sponsoriser la presse médicale, les associations…) », s’insurge Elena Pasca, membre de Sciences citoyennes. Et de reprendre : «Donc les citoyens paieront aussi le « prix » humain des effets secondaires », comme le prix de la prise en charge et l’indemnisation des victimes des médicaments défectueux, car il n’existe pas une législation permettant de dissuader et de réprimer les abus des industriels, ni là-dessus, ni sur d’autres aspects ».  

Mais qui décide quel médicament est remboursable et à quel taux ou non ?

Le Comité économique des produits de santé (CEPS) et… les entreprises pharmaceutiques !  Point important lorsqu’un médicament n’est pas remboursé par la sécu le prix est fixé unilatéralement par les labos d’où des prix exponentiellement élevés à la limite de la décence. N’oublions pas qu’il n’existe en France aucune évaluation du rapport coût/efficacité d’un médicament. Tout est subordonné à l’autorisation de mise sur le marché; tout le reste – pharmacovigilance, évaluation dans la durée, réévaluation… – passe après l’AMM. 

Et pourtant, cette évaluation du rapport coût/efficacité aurait dû faire partie des missions de la Haute autorité de santé (à l’instar de ses homologues allemand IQWiG et britannique NICE). Cela aurait pu aussi contrebalancer un peu la toute-puissance de l’AFSSAPS et du département d’AMM.

Cette situation peut s’avérer dramatique, comme l’a montré le scandale du Mediator. La Haute Autorité de Santé avait en 1999 et en 2006 indiqué que le service médical rendu de ce médicament était insuffisant. Pourtant, jusqu’à la décision tardive de retrait du marché, en 2009, l’assurance maladie a continué de le rembourser à hauteur de 65 %. Le médicament utilisé comme coupe-faim à l’origine de 500 à 2 000 morts, a coûté environ 1,2 milliard d’euros de remboursement à la Sécurité sociale! « ce scandale révèle les limites d’un système qui vise à faire converger intérêts économiques, industriels et sanitaires » conclue Michèle Rivasi, membre de la Commission Santé et Environnement au Parlement Européen.  

Réformer les modalités de fixation des prix des médicaments est nécessaire

Jusqu’à présent, la politique de réduction des dépenses de médicaments s’est uniquement traduite par des vagues de déremboursements pratiquées sans réelle évaluation. Or, la question est avant tout de limiter le nombre de produits aux seuls nécessaires et de mieux en réguler le prix. Mais aucun détail n’est donné par les industriels sur la décomposition des coûts d’un médicament, notamment sur la part revenant aux frais de recherche et développement, et sur celle liée au marketing que, de fait, l’assurance maladie prend à sa charge en grande partie.

A lire :

*Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, Philippe Even, Bernard Debré – Le Cherche Midi, 23,80 euros

Les 200 médicaments essentiels, Maurice Rapin   – Flammarion, 26 euros

 

 

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