Depuis le début d’année, le variant brésilien est en hausse exponentielle. Au Brésil, 4000 morts sont comptabilisés chaque jour. Face à cette terrible situation, le gouvernement a décidé de renforcer ses mesures de contrôles pour les personnes venant du Brésil, du Chili et d’Argentine. Mais que sait on de cette nouvelle souche? Réponses.

Le variant brésilien (BR-P1) a été détecté pour la première fois chez un touriste japonais au retour d’un voyage au Brésil le 2 janvier 2021 (Fujino T et al, Emerg Infect Dis, 2021). Les études virologiques ont montré que ce virus présentait de nombreuses mutations, donc certaines (484K) pouvaient entrainer un échappement immunitaire. Lors de l’investigation de ces premiers cas, il a été identifié l’émergence d’un virus similaire au variant brésilien isolé chez le touriste dans la ville de Manaus, ville qui avait déjà eu une circulation intense du SARS-CoV- 2 lors de la première vague avec un niveau probablement élevé de séroprévalence.

Actuellement, les variants sont principalement au nombre de 3 : le variant « anglais » (UK – lignage B.1.1.7), le variant « sud-africain » (SA – lignage B.1.351) et les variants « brésiliens » (BR-P1 et P2). Ces 3 virus présentent des modifications qui sont réparties sur le génome viral, mais dont les modifications les plus importantes sont sur la protéine S (ou Spike) qui est la cible principale de la réponse immunitaire. D’autres virus présentant des modifications dans cette protéine ont été détectés en France et à l’étranger, mais aucun ne présente à ce jour le potentiel de diffusion observé avec ces 3 variants. On peut noter également le variant « californien » (CA – lignage B.1.427) qui touche les États-Unis et le Canada, ainsi que de nombreux autres variants qui ont été détectés récemment, mais sans impact majeur sur l’épidémie.

UNE DIMINUTION DE LA SENSIBILITÉ AUX ANTICORPS NEUTRALISANTS ET PARTIELLEMENT AUX VACCINS

Le variant brésilien (BR-P1) présente un risque d’échappement immunitaire comme le variant Sud Africain, mais a un moindre niveau. En effet, parmi les mutations d’échappement que ces deux virus présentent, le variant SA en a au moins une de plus, ce qui en fait celui qui présente le plus grand risque, supérieur au BR-P1. Ces données sont essentiellement in vitro fondées sur l’étude de la réponse humorale (anticorps) mais concernant la réponse cellulaire (induite également par les vaccins). Il semble que la protection croisée entre les différents variants reste excellente.

Le variant brésilien n’est qu’incomplètement inhibé par des anticorps de sujets infectés par le virus historique, comme des données de réinfection à Manaus le montrent. En effet, probablement 15-30% des cas à Manaus seraient des réinfections. Toutefois, les données de séroprévalence sont très discutables, ayant probablement conduit à surestimer la réelle circulation des virus historiques. Il faut considérer qu’il restait un fort potentiel pour la diffusion du virus, et que seulement pour une petite part d’entre eux, il y a eu des cas de réinfection. Par ailleurs, une étude sérologique récente réalisée en France semble montrer une protection croisée des anticorps générés lors des infections par les lignages européens classiques tant vis-à-vis du variant anglais que du variant Brésilien (BR-P1) – (ref CID 2021). Toutefois, on ne connait pas la durée de l’immunité neutralisante sur le variant brésilien des anticorps induits par des infections avec les virus des lignages européens classiques ou par le variant anglais.

L’efficacité conservée ou non des anticorps monoclonaux récemment disponibles à visée thérapeutique est une question importante. Les premières études disponibles in vitro indiquent le maintien d’activité du bamlanivimab sur le variant anglais, mais une diminution significative, voire une perte d’activité de cette molécule, sur le variant Sud africain et le variant anglais. Pour la combinaison casirivimab et imdevimab seul imdevimab semble rester actif sur les variants Sud Africain et brésilien avec une activité diminuée. Les résultats à ce jour montrent une efficacité d’un certain nombre de cocktails sur l’ensemble des variants même si ces données doivent être confirmées (Cocktail AstraZeneca (AZD7442)).

Le variant brésilien touche de nombreux autres pays d’Amérique du Sud avec une flambée épidémique qu’il est difficile de chiffrer. Au niveau mondial, l’OMS annonce qu’il a été détecté dans plus de 50 pays, la majorité d’entre eux était déjà touché par le variant anglais.

4000 morts quotidiens au Brésil

Actuellement, la situation est critique sur l’ensemble du territoire brésilien et particulièrement dans les grandes métropoles. En effet, le Brésil est le second pays le plus endeuillé au monde avec un total de plus de 360 000 décès et un nombre quotidien pouvant atteindre 4 000 décès. Les services hospitaliers subissent une forte pression et les réserves d’oxygène sont préoccupantes. La vaccination n’est pas suffisamment avancée (environ 15% des brésiliens ont reçu au moins une dose de vaccin) et le niveau des mesures de limitation de la circulation du virus (mesures barrières, masques, gel hydroalcoolique) parait faible.

L’efficacité des vaccins sur le variant brésilien parait conservée mais diminuée :

  • In vitro, les anticorps induits par les vaccins ARNm (Pfizer et Moderna) et adénovirus (Astra-Zeneca) chez les sujets vaccinés neutralisent le variant brésilien quand ils sont à un titre élevé. Par contre, lorsque le titre d’anticorps est bas, il y a une perte nette de la
  • In vivo, des observations en petit nombre montrent des infections à variant brésilien chez des sujets âgés vaccinés par le vaccin Pfizer au Brésil et au Chili sans une évaluation globale du phénomène.
  • In vivo, dans des groupes d’âge plus jeune, et chez des personnes ayant eu une vaccination complète 2 doses, il apparait que la protection induite par le vaccin CORONAVAC est de 51% (données non publiées du Chili)

Récemment, les équipes israéliennes ont montré in vivo une surreprésentation du variant Sud Africain (proche du variant brésilien mais différent) parmi les échecs en population générale avec le vaccin Pfizer. En revanche, il n’y a pas de données publiées avec le vaccin AstraZeneca.

Également, on doit souligner l’importance de la réponse T post-vaccinale qui ne semble pas diminuée vis-à-vis des variants.

Enfin, l’efficacité des vaccins sur la transmission du variant brésilien n’est pas connue.

Actuellement, le variant brésilien diffuse de façon rapide et non-contrôlée dans un certain nombre de pays d’Amérique du Sud. Il semble que sa diffusion est une conséquence d’une plus grande contagiosité et de l’absence totale de contrôle au Brésil qui lui a permis de s’étendre aux pays limitrophes voire au continent entier.

Un signal d’alerte a récemment été donné au Brésil et au Chili en raison de l’ampleur de l’épidémie, de la contagiosité du variant et du fait qu’une proportion significative des patients avec une forme sévère soient âgés de moins de 50 ans au Brésil.

QUE SE PASSE-T-IL EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ?

La France a vécu deux situations particulières avec le variant sud-africain qui semble « inhibé » par la compétition avec le variant anglais avec l’exemple de la Moselle, ou qui peut être contrôlé par des mesures barrières plus ou moins strictes en dehors du variant anglais avec l’exemple de Mayotte. On doit rappeler ici que l’origine de l’épidémie en Moselle n’a pas été clairement établie.

Actuellement, aucun signal d’une évolution particulière du variant brésilien n’a été observé à ce jour. En effet, il est présent en toute petite quantité en France (voir les enquêtes Flash et l’enquête APHP/ANRS), autour de 0,3% des nouvelles infections au 30 mars 2021. Au total, la détection de ce variant en France métropolitaine est marginale (données Études Flash, virus 20J/501Y.V3).

Ce virus brésilien ne représente que 0.3% des détections de virus observés lors de l’enquête Flash #6 du 30 mars 2021. Aucun cluster n’a été identifié. Mais il concerne 6% des contaminations à la Covid-19 en Ile de France.

  1. Le variant brésilien est largement dominant en Amérique du Sud et est responsable d’une crise sanitaire majeure au Brésil.
  2. Il a un niveau de transmission élevé, un peu moins élevé que le variant On ne sait pas encore s’il est plus létal.
  3. Les vaccins ARNm ont une efficacité conservée mais diminuée vis-à-vis du variant brésilien (supérieure par rapport à la réponse vis-à-vis du variant SA).
  4. La France métropolitaine est probablement en partie protégée actuellement (mi-avril 2021) par la présence du variant anglais. Le niveau de circulation du variant brésilien reste très faible.
  5. L’incidence augmente fortement en Guyane depuis 4 semaines avec une présence très majoritaire du variant brésilien, un variant anglais minoritaire et une transmission locale avérée.
  6. Un risque d’extension du variant brésilien doit être pris en compte durant l’été 2021, si on observe une baisse du variant anglais et une couverture vaccinale avec les vaccins à ARNm en hausse, mais à un niveau encore faible.

Conseil Scientifique