Le secteur de la mode est un secteur qui évolue rapidement, mais malheureusement, il est souvent associé à des pratiques non durables et non respectueuses de l’environnement. Cependant, de plus en plus de marques et de designers se tournent vers le développement durable pour répondre aux attentes des consommateurs soucieux de l’environnement. Et si mode et développement durable devenait la norme ?
Selon une interview d’Erwan Autret, ingénieur à l’Agence de l’environnement (Ademe), publiée dans Le Parisien, l’industrie de la mode est considérée comme la deuxième plus grande consommatrice d’occupation des sols, la troisième plus grande consommatrice d’eau et de matières premières, et le cinquième plus grand émetteur de gaz à effet de serre. Bien que la moitié de l’impact environnemental soit imputable à la production, la moitié restante provient de la consommation. Les achats excessifs, la mauvaise gestion des déchets, la consommation d’eau pour laver les vêtements, ne sont que quelques exemples des habitudes des consommateurs qui contribuent à la pollution liée à l’industrie de la mode. Environ 36 % des vêtements sont recyclés, ce qui signifie que les deux tiers restants finissent dans des décharges. D’où l’importance que la mode et le développement durable ne fasse qu’un !
L’une des plus grandes décharges de textile du monde au Ghana
A Accra, la capitale du Ghana, se trouve l’une des plus grandes décharges à ciel ouvert du monde. Une dune haute de plus de 20 mètres, constituée de milliers de vêtements usagés, témoigne de la quantité phénoménale de textiles qui arrive chaque jour dans le pays. Sur les 160 tonnes reçues, seulement 90 sont utilisables, le reste finissant souvent sur les côtes et parfois brûlé malgré sa toxicité, créant ainsi une catastrophe écologique. Ce phénomène est emblématique du rythme effréné de la mode occidentale, qui a vu le jour avec le succès de la « fast fashion », une production de masse à bas coût qui a radicalement changé nos habitudes de consommation au cours des trente dernières années. La production de textiles a plus que doublé entre 1975 et 2018, passant de 6 à 13 kg par an et par personne dans le monde. En France seulement, près de 2,8 milliards de vêtements sont achetés chaque année, soit deux fois plus qu’en 1983.
L’étude mentionne également une estimation de McKinsey & Company, indiquant que l’industrie de la mode est responsable d’émissions de gaz à effet de serre équivalentes à celles de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni combinées, chaque année.
Le rapport identifie cinq raisons principales à l’impact environnemental négatif de l’industrie de la mode. La première est l’utilisation de matériaux bon marché, souvent avec des colorants toxiques, qui sont largement utilisés pour la production de vêtements, faisant de l’industrie de la mode l’un des plus grands pollueurs d’eau potable. Le rapport met particulièrement l’accent sur le polyester, fabriqué à partir de combustibles fossiles et qui libère des microplastiques dans les réseaux hydrographiques lorsqu’il est lavé.
L’industrie de la mode est fortement dépendante d’usines situées en Asie qui utilisent souvent des combustibles fossiles tels que le charbon et le gaz, ce qui contribue grandement à son impact environnemental négatif. La forte consommation d’eau est également un problème majeur, l’industrie de la mode utilisant à elle seule 93 milliards de mètres cubes d’eau par an. Même les tissus naturels peuvent avoir des effets néfastes dans le secteur de la fast fashion, avec la production d’une seule chemise en coton nécessitant environ 3 000 litres d’eau.
Le transport représente également un problème, les expéditions en ligne contribuant massivement aux émissions annuelles de gaz à effet de serre. Aux États-Unis, les émissions combinées des services de livraison tels que FedEx, UPS et US Postal Service équivalent globalement aux émissions annuelles de gaz à effet de serre de 7 millions de voitures.
Le gaspillage est bien sûr un autre problème majeur, avec 85% des textiles finissant chaque année à la décharge en raison de la hausse du chiffre d’affaires du prêt-à-porter induite par la fast fashion.
Le rapport encourage ainsi l’adoption de pratiques plus durables telles que la location, la revente et la réparation, et plusieurs marques, tant indépendantes que bien établies, se sont déjà engagées dans cette voie.
Quand les marques s’engagent
Le développement durable dans la mode est un mouvement qui s’engage à minimiser les impacts environnementaux et sociaux de la production et de la consommation de vêtements. Ces derniers temps, le secteur de la mode a connu un virage écologique, avec des révolutions internes et l’émergence de jeunes pousses responsables. De nombreux jeunes entrepreneurs ont lancé des initiatives en respectant les droits humains et en cherchant à réduire leur empreinte environnementale, ce qui a conduit à un véritable essor dans ce domaine.
En 2018, Camille Le Gal et Laure Betsch ont créé Fairly Made, un logiciel qui permet aux marques d’identifier les étapes de production de leurs produits. « L’objectif est de retracer les vêtements pour réduire l’opacité de l’industrie de la mode », explique Camille Le Gal. « Il y a parfois entre cinq et dix usines pour fabriquer un vêtement. En général, les marques ne connaissent que celle dédiée à l’assemblage ».
Les entreprises partenaires de Fairly Made proposent ensuite à leurs clients un code QR qui leur permet d’accéder à l’empreinte sociale et environnementale, à la recyclabilité et à la durabilité du vêtement. « Il y a un engouement croissant chez les marques, qui sentent que les consommateurs posent plus de questions et qu’il est temps d’évoluer », note Camille Le Gal. La société compte désormais plus de 150 marques partenaires, telles que Ba&sh, Balzac Paris et The Kooples.
Ces marques plus transparentes et socialement responsables lancent également des méthodes de production plus responsables : des matières premières à faible impact, le recyclage, la création de nouveaux vêtements à partir de vêtements usagés, etc. Certaines utilisent autant de matières naturelles que possible, tandis que d’autres se concentrent sur la reconditionnement des fibres de denim (le processus de teinture du denim, qui est très gourmand en eau et en produits chimiques, est néfaste pour l’environnement).
Ces initiatives offrent de l’espoir pour un avenir plus vert pour l’industrie. Mais une véritable transition ne peut se produire sans une réglementation réelle du marché.
Dans cet objectif, Julia Faure a créé, avec d’autres acteurs du textile, En Mode Climat, un collectif qui plaide pour que le secteur de la mode se conforme à l’accord de Paris de 2015. « La création de marques éthiques n’arrêtera pas les entreprises les plus nocives », explique-t-elle. « Nous devons imaginer que la mode est une baignoire qui se remplit en permanence de vêtements. Le robinet, c’est la fast fashion. Les lois doivent donc s’attaquer à ce robinet ».
Un étiquetage mode développement durable
Cette année, dans le cadre de la loi française anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), l’étiquetage environnemental deviendra progressivement obligatoire pour les produits textiles. Comme le Nutri-Score, il prendra la forme d’une note sur l’emballage allant de A à E, en fonction de l’impact environnemental du produit. Il devrait permettre aux consommateurs de connaître la proportion de matériaux recyclés, la recyclabilité, la présence de substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares, la compostabilité et la réutilisabilité du produit.
Mais pour En Mode Climat, ces mesures ne rendent pas le modèle de la fast fashion obsolète, surtout parce que l’étiquetage environnemental ne prend pas en compte la surproduction.
Les marques cherchent à mettre en place des pratiques plus éthiques et durables en utilisant des matériaux éco-responsables, en réduisant les déchets et en améliorant les conditions de travail dans les usines de production.
Cela se traduit par une utilisation accrue de matériaux durables tels que le coton biologique, le lin, le chanvre et la laine recyclée. Les marques optent également pour des processus de production éco-responsables, tels que la teinture à base de plantes, qui utilise des pigments naturels au lieu de produits chimiques nocifs pour l’environnement.
Le mouvement de la mode durable est également axé sur la responsabilité sociale. Les marques cherchent à améliorer les conditions de travail des travailleurs de l’industrie de la mode, en veillant à ce qu’ils soient payés équitablement et à ce qu’ils travaillent dans des environnements sûrs et sains.
Le développement durable dans la mode n’est pas seulement bénéfique pour l’environnement, mais aussi pour les marques elles-mêmes. Les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact de leurs choix d’achat et sont prêts à payer plus pour des produits durables et éthiques. Les marques qui adoptent des pratiques durables peuvent donc non seulement se distinguer de la concurrence, mais également renforcer leur image de marque en étant perçues comme des entreprises responsables.
En fin de compte, le développement durable dans la mode est un mouvement positif qui a un impact sur l’environnement, les travailleurs et les consommateurs. Les marques qui adoptent des pratiques durables peuvent améliorer leur réputation, leur rentabilité et contribuer à un avenir plus durable pour l’industrie de la mode.
Mode et développement durable l’exemple ZERO-TEX
Sho Konishi, un styliste japonais et chercheur en développement durable basé à New York, a été convié à prendre part à une table ronde intitulée « Développement durable et éducation dans le secteur de la mode » lors de la Rakuten Fashion Week 2023 à Tokyo A/W le 16 mars dernier. La conférence s’est tenue le premier jour de l’exposition spéciale du défilé biannuel sur la mode et le développement durable dans le quartier de Shibuya.
Depuis la saison 22 S/S, la JFWO (Japan Fashion Week Organization) transmet les « Objectifs de développement durable (ODD) que peut aider atteindre le monde de la mode » à travers divers projets.
Lors de cet événement, Sho Konishi a adressé un message de soutien pour encourager la durabilité dans l’industrie de la mode, en affirmant que « la mode a le pouvoir » de contribuer à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).
« Je pense vraiment que la mode… a le pouvoir d’attirer l’attention des gens, et les objectifs de développement durable en ont besoin« , a déclaré le designer japonais lors d’une interview accordée à l’issue de l’événement.
« Je suis un créateur de mode (et) en même temps un activiste pour la durabilité« , a ajouté M. Konishi qui arborait un costume surdimensionné fabriqué à partir de tissu ZERO-TEX, une technologie de production qui permet de réduire les émissions de CO2.
« Si le développement durable aide d’autres personnes, j’aimerais continuer à le promouvoir« , a-t-il conclu.
Le PDG de Yamagin Inc, Akihide Nishikawa, a expliqué que l’industrie de la mode était souvent critiquée pour son impact négatif sur l’environnement. Il est à l’origine de la technologie des tissus ZERO-TEX, qui permet de réduire les émissions de CO2 lors de la production de tissus.
Rendez-vous au salon Made in France
Pour une meilleure compréhension des spécificités du Made in France, le parcours de visite suivra le cycle de vie du produit et sera enrichi de deux nouveaux secteurs, l’Upcycling/Recycling et la Relocalisation. L’événement proposera des solutions locales de sourcing ainsi que des discussions sur l’avenir du fabriqué français et des innovations, avec des exemples tels que Neyret Tisseur d’innovation, qui a créé un centre d’expertise numérique pour intégrer les technologies numériques et les services logiciels à la traçabilité, et Henitex Bel Maille Créations, qui a développé une technologie de tricotage circulaire sans coutures pour réduire les déchets, la consommation d’eau et d’énergie.
Le salon Made in France Première Vision offre une opportunité de mettre en avant le dynamisme des industriels du textile français en termes d’innovation et de savoir-faire.
Sophie Madoun