La réalité augmentée sort peu à peu des protocoles expérimentaux pour intégrer les blocs : en France, la chirurgie digestive fait figure de pionnière. Patrick Pessaux, Professeur, chirurgien Hépato-bilio-pancréatique au CHU de Strasbourg est notamment l’auteur d’une première mondiale dans l’utilisation de la réalité augmentée dans le bloc d’une chirurgie digestive. Réduction du risque chirurgical, durée d’hospitalisation raccourcie…. Ces techniques chirurgicales émergentes associant les nouvelles technologies promettent de constituer le mode opératoire du futur. C’est pourquoi, les chirurgiens digestifs ont convié à leur 118ième Congrès des start-ups françaises qui présenteront leurs innovations pour équiper le bloc chirurgical du futur.
150 opérations utilisant la réalité augmentée réalisées en France depuis 3 ans
L’utilisation de la réalité augmentée en est aux prémices : les contraintes techniques sont nombreuses, notamment au niveau des prévisions de déformations d’organes au cours de la chirurgie et du fait d’un nombre réduit de praticiens qui travaillent sur le sujet en France. Ils sont rassemblés autour de l’Institut Mutualiste de Montsouris, du laboratoire TIMC-IMAG de Grenoble, et de l’IHU et CHU de Strasbourg. Depuis 2014, plus de 150 opérations utilisant la réalité augmentée ont été réalisées en France en chirurgie digestive. Ce qui fait de la chirurgie digestive française un des acteurs de pointe (si ce n’est le premier) au monde dans ce qui promet d’être le mode opératoire du futur.
La réalité augmentée combine la 3D, la simulation et la navigation
Pour réaliser une chirurgie en utilisant la réalité augmentée, il est nécessaire de combiner l’imagerie 3D de l’élément à opérer (en général l’organe), la simulation avant l’opération pour affiner le geste opératoire et la navigation, pour assister le chirurgien en temps réel, au moment de l’opération.
Le patient « virtualisé » permet au chirurgien d’améliorer son diagnostic et optimiser la préparation de l’opération. La réalité augmentée affiche la modélisation 3D du patient et une modélisation 3D des instruments en superposition de la vidéo chirurgicale réelle, permettant d’optimiser la vue réelle : le patient devient virtuellement transparent afin que le chirurgien puisse localiser les vaisseaux et les tumeurs qu’il ne pouvait auparavant percevoir uniquement par le toucher.« La réalité augmentée va aider le chirurgien dans son geste mais à aucun moment le remplacer. Le chirurgien reste au centre du bloc et c’est lui qui intervient auprès du patient», explique Patrick Pessaux, auteur d’une première mondiale en chirurgie robotique hépatique augmentée[1].
Le futur passe par la chirurgie augmentée hybride…
Le développement de la chirurgie hybride permet de réaliser des gestes à l’aide d’un endoscope introduit par un orifice naturel. Par exemple, le Pr Perretta a été la première en France à réaliser une intervention sans cicatrice sur l’œsophage par les voies naturelles grâce à un instrument flexible introduit par la bouche (endoscope) permettant la section de fibre musculaire de l’œsophage plutôt que par ouverture de l’abdomen (même si cela est réalisable par coelioscopie). La patiente est de retour chez elle, trois jours après l’intervention, et mange à nouveau normalement[2]. « Ce type
d’interventions par les voies naturelles sera la règle d’ici dix ans », estime Silvana Perretta. Elles ont le mérite de raccourcir la durée d’hospitalisation et de réduire le traumatisme chirurgical.
« C’est une technologie émergente, qui requièrent encore de la recherche et de l’expérimentation », déclare Patrick Pessaux.
« Elle nécessite une vraie complémentarité de compétences, de l’élaboration algorithmique au geste chirurgical. Nous avons mis au point au CHU de Strasbourg des protocoles pour l’opération de la vésicule biliaire et nous avons opéré 60 patients depuis un an.La chirurgie augmentée est sans conteste la chirurgie du futur », conclut Patrick Pessaux.
Et un bloc opératoire hybride
Il intègre l’imaginerie médicale peropératoire, les algorithmes, la connectivité…Lors du 118ième congrès, une séance sera entière consacrée à la chirurgie du futur et une autre, organisée par le Pr Sa Cunha sur l’apport de la lumière fluorescence pour améliorer la détection des structures anatomiques ou des tumeurs lors d’une intervention. Les chirurgiens digestifs ont donc invité à leur congrès des start-ups qui présentent des innovations telles que la destruction des tumeurs par ultra-sons, des systèmes de reconstructions en 3D de l’imagerie médicale, des systèmes de simulations chirurgicales, des plateformes numériques pour avoir des patients et des équipes médicales connectés. Un grand prix de l’innovation sera organisé, dont le jury est présidé par Thomas Landrain, fondateur de la Paillasse.
Sources
[1]-Towards cybernetic surgery: robotic and augmented reality-assisted liver segmentectomy. Pessaux P, Diana M, Soler L, Piardi T, Mutter D, Marescaux J. Langenbecks Arch Surg. 2015 Apr;400(3):381-5 -Trans-thoracic minimally invasive liver resection guided by augmented reality. Hallet J, Soler L, Diana M, Mutter D, Baumert TF, Habersetzer F, Marescaux J, Pessaux P. J Am Coll Surg. 2015 May;220(5):e55-60.
[2]1-STEPS to POEM: introduction of a new technique at the IRCAD. Perretta S, Dallemagne B, Marescaux J. SurgInnov. 2012 Sep;19(3):216-20