Plus de 130 acteurs de la santé et de l’environnement appellent à l’interdiction des filtres à cigarettes. La pollution massive des mégots et ses conséquences sur l’environnement et la santé sont mises en lumière. Voici les arguments et les recommandations des experts lors des négociations du traité plastique à Paris.
A l’occasion de la Journée mondiale sans tabac ce 31 mais, une demande urgente émane d’un groupe de plus de 130 acteurs* influents dans les domaines de la santé et de l’environnement : l’interdiction des filtres à cigarettes. Car la cigarette pollue avec les substances chimiques qu’elle contient. Ces acteurs tirent la sonnette d’alarme quant aux méfaits des mégots de cigarette, qui sont devenus l’une des formes les plus répandues de pollution plastique toxique à l’échelle mondiale. Cette pollution nuit gravement aux écosystèmes marins. Voici les raisons qui sous-tendent cette demande, les chiffres alarmants révélés par un rapport de l’OMS, et les solutions préconisées par les experts pour contrer cette menace environnementale majeure.
Les chiffres alarmants de la pollution des mégots de cigarettes
Les organisations non gouvernementales plaident, en tant que Comité de négociation intergouvernemental (INC-2), que la France s’aligne sur les traités relatifs aux droits humains et à la santé, notamment la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Elles demandent également que l’industrie du tabac assume la responsabilité de la pollution et des déchets qu’elle engendre.
Que contient un filtre à cigarettes ?
Un filtre à cigarettes est composé d’un matériau poreux, le plus souvent de la cellulose acétate, qui est enroulé ou comprimé pour former une petite tige. Le filtre peut également contenir des additifs chimiques tels que des agents de rétention de goudron ou des agents aromatisants.
Le rôle principal du filtre à cigarettes est de réduire la quantité de goudron, de nicotine et d’autres substances nocives inhalées par le fumeur. Le matériau filtrant retient une partie de ces substances lorsqu’elles passent à travers le filtre lors de l’inhalation de la fumée de cigarette. Cependant, il est important de noter que même avec un filtre, la fumée de cigarette contient encore de nombreuses substances toxiques.
Il convient de souligner que les filtres à cigarettes ne sont pas biodégradables et contribuent à la pollution environnementale. Les mégots de cigarettes, qui contiennent les filtres, sont souvent jetés dans la nature et peuvent mettre des années à se décomposer, libérant ainsi des substances nocives dans l’environnement.
Les mégots de cigarettes, un fléau mondial
Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), chaque année, sur les 6 000 milliards de cigarettes produites par l’industrie du tabac, 4 500 milliards de mégots se retrouvent dans la nature, faisant des mégots le principal déchet collecté sur les côtes et dans les zones urbaines à travers le monde.
Il faut attendre 12 ans pour que le simple fait de jeter un mégot de cigarette cesse de nuire à la nature en polluant l’eau qui s’infiltre dans le sol et finit par rejoindre les nappes phréatiques, les rivières et l’océan.
Chaque mégot contamine 500 litres d’eau, ce qui rend cette pollution encore plus alarmante.
Chaque année, environ 4 300 milliards de mégots de cigarettes sont jetés au sol dans le monde, soit environ 12 milliards par jour ou 140 000 mégots par seconde. Ce qui rend ce problème si pervers, c’est que les mégots sont petits, et il est difficile d’imaginer qu’ils puissent avoir un impact aussi coûteux pour la planète et notre porte-monnaie. En effet, plus l’eau est polluée, plus les traitements nécessaires sont coûteux et répercutés sur nos factures. Les animaux sauvages, notamment les poissons, en subissent également les conséquences.
Les dangers des filtres à cigarettes pour la santé et l’environnement
Les filtres de cigarettes sont suffisamment petits pour être ingérés par les animaux marins, et lorsqu’ils se décomposent, ils libèrent des milliers de particules microplastiques extrêmement délétère pour l’environnement.
Les experts s’accordent sur le fait que la seule solution véritablement efficace pour faire face à la pollution massive et toxique des mégots est d’interdire complètement les filtres de cigarettes. Les initiatives de collecte des mégots, les réglementations sur les déchets, les filtres dits « biodégradables » ou encore le recyclage de ces déchets ne sont pas des solutions viables.
Des instances publiques majeures aux Pays-Bas et en Belgique, ainsi que des partis politiques au Danemark, ont récemment appelé à l’interdiction totale des filtres et recommandent la même démarche aux autres États membres de l’Union européenne.
De plus, côté santé, il est aujourd’hui largement documenté que les filtres de cigarettes ne présentent aucun bénéfice pour la santé, et l’industrie du tabac en est consciente depuis au moins cinquante ans, d’où l’importance d’arrêter de fumer pour nos poumons ou de se tourner vers la cigarette électronique bien moins nocive et contenant un nombre moins de substances chimiques. Sachez que les filtres incitent les fumeurs à inhaler plus profondément et plus longtemps les produits du tabac, augmentant ainsi l’addictivité et la toxicité du tabac. Les filtres donnent une fausse impression de sécurité, car les fumeurs croient à tort qu’ils purifient la fumée des substances nocives. De plus, la présence de filtres est associée à une forme plus agressive de cancer du poumon, l’adénocarcinome.
Pourquoi interdire les filtres à cigarettes ?
L’interdiction des filtres à cigarettes est souvent envisagée dans le but de protéger l’environnement pour plusieurs raisons :
Pollution plastique : les filtres à cigarettes sont principalement composés de cellulose acétate, un matériau plastique qui met beaucoup de temps à se décomposer dans la nature. Les mégots de cigarettes, qui contiennent les filtres, sont l’un des déchets les plus fréquemment retrouvés dans les espaces extérieurs tels que les plages, les rues et les parcs. Ces mégots jetés négligemment contribuent à la pollution plastique et peuvent contaminer les écosystèmes terrestres et aquatiques.
Dommages pour la faune et la flore : les mégots de cigarettes et leurs filtres peuvent être ingérés par les animaux, en particulier les oiseaux et les poissons, entraînant des problèmes de santé et même la mort. Les substances toxiques présentes dans les filtres, ainsi que les produits chimiques issus de leur dégradation, peuvent contaminer les écosystèmes et perturber la biodiversité.
Coûts de nettoyage : le nettoyage des mégots de cigarettes dans les espaces publics et les zones sensibles représente un coût élevé pour les municipalités et les organismes de gestion des déchets. L’interdiction des filtres à cigarettes pourrait réduire la quantité de mégots jetés et diminuer ainsi les dépenses liées à leur collecte et à leur élimination.
Sensibilisation à la pollution : l’interdiction des filtres à cigarettes enverrait un message fort sur l’importance de préserver l’environnement et de réduire la pollution plastique. Cela pourrait encourager une prise de conscience plus large sur les problèmes liés à la consommation de tabac et à la responsabilité individuelle de préserver l’environnement.
Effets sur la santé : contrairement à ce que certains fumeurs peuvent penser, les filtres à cigarettes n’éliminent pas complètement les substances nocives de la fumée de tabac. Les toxines et les composés chimiques dangereux tels que le goudron, la nicotine et les agents cancérigènes peuvent encore être inhalés malgré l’utilisation d’un filtre. De plus, les filtres peuvent induire une fausse sensation de sécurité chez les fumeurs, les incitant à inhaler plus profondément et plus fréquemment, ce qui augmente les risques pour la santé.
Lutte antitabac : l’interdiction des filtres à cigarettes pourrait être considérée comme une mesure dissuasive supplémentaire pour réduire la consommation de tabac. En supprimant les filtres, on peut rendre la fumée de cigarette plus âpre et désagréable, ce qui peut encourager certains fumeurs à réduire ou à arrêter leur consommation.
L’appel en faveur de l’interdiction des filtres à cigarettes lors des négociations du traité plastique
Alors que les négociations sur le traité sur le plastique se poursuivent, il est essentiel que les délégués se rappellent que l’industrie du tabac n’est pas un acteur engagé, mais plutôt un pollueur qui doit être tenu responsable des dommages qu’elle cause à la santé humaine et à l’environnement, conformément à la Convention-Cadre de l’OMS.
Plus de 100 organisations non gouvernementales de santé membres de la Stop Tobacco Pollution Alliance (STPA) et des organisations environnementales non gouvernementales telles que Ban Toxics (Philippines), Break Free From Plastic (BFFP), Comparatively for Tanzania Elites Community Organizers (CTECO), Development Indian Ocean Network, Earthday.org (Earth Day Network), Ecowaste Coalition, Green Africa Youth Organization, Health Care Without Harm, Hebdo Ecolo, Hej! Support, La Voix des affamés de la RDC, Let’s Do It World, MarViva, No Plastic In My Sea, Objectif Zéro Plastique, Ocean Purpose Project, Pesticide Action Network, Reacción Climática, Save the Climate, Seed Africa, Surfrider Foundation, The center of islamic studies-PPI Unas, The World is home asbl, Upholding Life And Nature (ULAN), Vietnam zero waste alliance, entre autres, se sont jointes à la déclaration.
Sophie Madoun