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Nos besoins nutritionnels dépendent de nos gènes

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Environ 0,1 % : c’est la différence génétique moyenne qui existe entre deux individus et qui nous distingue vis-à-vis de certains de nos caractères physiques (yeux, cheveux, taille…), de notre susceptibilité à développer certaines pathologies, mais aussi de notre capacité à absorber des vitamines et des phytomicronutriments (caroténoïdes, polyphénols…) impliqués dans la prévention des maladies chroniques. Grâce à l’étude des variations génétiques interindividuelles, des chercheurs de l’Inra et d’Aix-Marseille Université publient, dans la revue Annual Review of Nutrition le 22 août 2018, un état de l’art sur la nutrigénétique. Cette science émergente vise à établir des recommandations nutritionnelles personnalisées pour des apports optimisés en nutriments, micronutriments et phytomicronutriments, en tenant compte des différences génétiques entre individus, ou groupes d’individus.

 

Pourquoi les besoins en vitamines et notre capacité à les assimiler différent-ils d’un individu à l’autre[1] ? On observe en effet de très fortes variations entre individus en ce qui concerne leur capacité à absorber certaines vitamines, par exemple un facteur 34 pour la vitamine D. Identifier et comprendre les différences entre individus vis-à-vis de leurs besoins nutritionnels permettra d’aller vers des recommandations nutritionnelles plus personnalisées (objet d’étude de la nutrigénétique). Si les facteurs responsables de cette variabilité interindividuelle ne sont pas tous connus, la génétique semble être un facteur prépondérant.

Les chercheurs de l’Inra et d’Aix-Marseille Université dressent un état des lieux des connaissances sur les variations génétiques interindividuelles associées à l’assimilation de micronutriments, plus spécifiquement de vitamines liposolubles (A, E et D), de caroténoïdes (pigments végétaux comme le bêta-carotène, le lycopène et la lutéine) et de phytostérols (stérols végétaux). L’apport de ces micronutriments par l’alimentation est essentiel car notre organisme ne les fabrique pas et ils sont soit indispensables à son bon fonctionnement (cas des vitamines), soit vecteurs de l’effet bénéfique des fruits et légumes sur notre santé (cas de certains phytomicronutriments). Le rôle d’un apport adéquat en vitamines et certains phytomicronutriments (caroténoïdes, polyphénols…) est donc essentiel dans la prévention de différentes pathologies (cancers, maladies cardio-vasculaires, neuro-dégénératives et oculaires…).

Des données récentes ont montré que la variabilité interindividuelle de biodisponibilité de certains micronutriments est apparemment modulée par des polymorphismes mononucléotidiques (SNPs)[2]. Les SNP identifiés sont notamment situés dans des gènes impliqués dans l’absorption intestinale et le transport sanguin de ces composés. Si l’effet de chacun de ces SNP est souvent modeste, la combinaison de plusieurs SNP semble expliquer une part importante de la variabilité interindividuelle. Par exemple, les scientifiques ont montré que la variabilité interindividuelle de la biodisponibilité de la vitamine E est modulée, au moins en partie, par une combinaison de 28 SNPs dans 11 gènes.

Par ailleurs, les scientifiques suggèrent que d’autres types de variations génétiques pourraient entrer en jeu dans la biodisponibilité de ces micronutriments ; par exemple le nombre de copies de certains gènes impliqués dans l’absorption et le métabolisme des micronutriments. De même, en dehors des facteurs génétiques, d’autres facteurs sont probablement impliqués. C’est le cas du microbiote dont le rôle est certain en termes de régulation de l’absorption de certains micronutriments.

Les chercheurs poursuivent actuellement leurs travaux afin d’identifier les variations génétiques associées avec l’absorption d’autres nutriments ou phytomicronutriments. Deux études sont ainsi en cours sur le cholestérol et deux phytomicronutriments, le phytoène et le phytofluène, qui sont notamment présents dans les tomates. Leur objectif est, entre autres, de définir un score prédictif d’assimilation des nutriments, micronutriments et phytomicronutriments, en fonction du génotype. A terme, leurs résultats pourraient permettre d’optimiser les recommandations de consommation de ces composés impliqués dans la prévention de certaines pathologies, et ceci en fonction des caractéristiques génétiques des individus.

Variabilité interindividuelle de l’efficacité d’absorption de la vitamine D3

La vitamine D3 (cholécalciférol) est connue depuis longtemps pour son implication essentielle dans le métabolisme osseux. Néanmoins, des données récentes suggèrent qu’elle a un rôle biologique très ubiquitaire et qu’une subdéficience en cette vitamine augmenterait le risque de développer certaines pathologies. Paradoxalement très peu de recherches ont été consacrées à son absorption.

Pour chaque individu, les concentrations de vitamine D3 retrouvées dans les chylomicrons ont été mesurées. La courbe orange représente la moyenne des valeurs mesurées chez les 39 hommes, les deux autres courbes : celle du sujet qui a le mieux répondu (violet) et celle ce celui qui a le moins répondu (vert). Une combinaison de 17 SNP dans 13 gènes semble expliquer une grande partie de cette variabilité.

Source : A Combination of Single-Nucleotide Polymorphisms Is Associated with Interindividual Variability in Cholecalciferol Bioavailability in Healthy Men. Charles Desmarchelier, Patrick Borel, Aurélie Goncalves, Rachel Kopec, Marion Nowicki, Sophie Morange, Nathalie Lesavre, Henri Portugal and Emmanuelle Reboul. The Journal of Nutrition. 26 octobre 2016. doi: 10.3945/jn.116.237115.

[1] Les apports nutritionnels conseillés sont destinés à subvenir aux besoins de 97,5 % d’un groupe de la population (par exemple, les femmes adultes) mais ne permettent pas de faire des recommandations individuelles.

[2] Il s’agit de variation d’une seule paire de bases du génome, entre individus.

 

 

Référence

Bioavailability of Fat-Soluble Vitamins and Phytochemicals in Humans: Effects of Genetic Variation

Patrick Borel and Charles Desmarchelier
Annual Review of Nutrition Vol. 38:69-96
https://doi.org/10.1146/annurev-nutr-082117-051628

 

 

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