Voici une Tribune de la Licra à l’attention d’Elon Musk et au vent de liberté qu’il souhaite insuffler sur Twitter « M. Musk, nous ne tolérerons aucune atteinte au socle républicain et démocratique, ni aucun relâchement vis-à-vis des discours de haine ».

Un collectif emmené par la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), où l’on trouve Mario Stasi, Gérald Bronner, Patrick Pelloux, Anne Sinclair, Serge Tisseron, ou Lucile Jomat, met en garde le milliardaire Elon Musk, dans une tribune au « Monde », contre toute tentative d’imposer sur Twitter une liberté d’expression absolue, contraire au droit français qui considère la haine comme un délit.

« Le lundi 25 avril, nous avons appris que le conseil d’administration du réseau social Twitter avait donné son accord de principe au rachat de la plate-forme par Elon Musk pour la somme de 44 milliards de dollars (environ 41,9 milliards d’euros). Depuis plusieurs jours, nous lisons dans la presse et sur le profil Twitter de l’entrepreneur, que sa volonté serait de réformer le réseau social, tout en y promouvant une conception « absolutiste » de la liberté d’expression, sans entrave aucune.
Bien que l’homme d’affaires ait précisé dans un tweet du 27 avril 2022 que « par liberté d’expression, j’entends simplement ce qui est conforme à la loi », il ne précise pas pour autant s’il désigne spécifiquement la Constitution américaine ou les lois de chacun des États dans lesquels Twitter opère.
Nous sommes fondamentalement attachés au respect de la liberté d’expression, socle de la démocratie. Si cette liberté, telle qu’elle est établie dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, insérée dans la Constitution française et issue de l’esprit des Lumières, permet aux citoyens d’exprimer librement leurs opinions, c’est à la seule condition qu’elle puisse s’exercer dans le respect des droits et de la dignité d’autrui. A ce titre, dans le droit français, le racisme, l’antisémitisme, mais aussi la haine anti-LGBT et le sexisme ainsi que tout ce qui est attentatoire à la dignité humaine ne relèvent pas de l’opinion, du débat, mais du délit.

Aspirants terroristes et conspirationnistes

Or nous constatons depuis plusieurs années la recrudescence et l’exacerbation de ce type de discours, ainsi que la multiplication des raids numériques visant à harceler des personnes en raison de leur couleur de peau, de leur religion, de leur genre ou de leur orientation sexuelle. Aspirants terroristes, conspirationnistes, trolls et désinformateurs prolifèrent sur des espaces qui sont devenus de véritables armes de guerre aux mains de ceux qui, aujourd’hui, par des opérations d’influence ou des offensives militaires, s’attaquent à nos démocraties.
Le socle législatif français, et spécifiquement nos lois contre le racisme du 1er juillet 1972 et du 13 juillet 1990, s’appliquent à toutes personnes sur le territoire français, y compris aux usagers de Twitter. De même, les États membres de l’Union européenne, tout autant attachés à la liberté d’expression et au respect des individus, se sont unis pour disposer d’un arsenal législatif plus global.
A cet égard, le règlement sur les services numériques, le règlement sur les services numériques (Digital Services Act ou DSA), présenté par la Commission européenne le 15 décembre 2020, adopté récemment au sein des institutions européennes, a pour but de responsabiliser les réseaux sociaux sur le marché unique. Il aura vocation à s’appliquer à tous les réseaux sociaux, y compris Twitter, indépendamment de la volonté affichée d’Elon Musk de supprimer toute modération des propos tenus sur cette plateforme.

Contre l’anonymat et l’impunité

Par cette tribune, nous tenons à dire à Elon Musk que nous ne tolérerons aucune atteinte au socle républicain et démocratique, ni aucun relâchement vis-à-vis des discours de haine. Les droits des victimes et ceux de l’ensemble des citoyens, tous concernés par ces fléaux qui minent la démocratie, doivent être protégés.
Nous nous battrons pour la conservation de ces droits et n’hésiterons pas à mettre en œuvre tous les moyens autorisés par la loi française pour faire filtrer les services de Twitter sur le territoire national, si Twitter ne se conforme pas au droit national et européen, comme nous avons déjà eu l’occasion de le faire avec d’autres sites diffusant des contenus haineux. De même, nous continuerons de lutter contre l’anonymat et l’impunité́ de ceux qui propagent des idées dangereuses pour les sociétés démocratiques.
La liberté d’expression, pierre angulaire de notre démocratie, est soumise à de rudes attaques dans le contexte de crises et de guerre que les sociétés européennes traversent actuellement. Sans modération, ni régulation, la prolifération des discours de haine en ligne porte directement atteinte à la stabilité politique de nos États et au pacte social qui les fonde, et partant, à la liberté d’expression.
La responsabilité d’Elon Musk, en tant que futur propriétaire et représentant légal de Twitter, est donc immense. Nous nous devions de lui rappeler. »