Depuis septembre 2017, le programme AGRIEX piloté par l’Université de Corse et le CNRS s’attache à valoriser les ressources naturelles végétales de l’île. Par le biais d’un partenariat avec des entreprises privées, ce projet d’innovation cherche à promouvoir les productions existantes sur le territoire corse et réalise des recherches sur les plantes aromatiques.
La philosophie du programme est simple : il s’agit de valoriser les plantes aromatiques et médicinales (PAM) spécifiques à la Corse pour innover et trouver de nouveaux débouchés aux produits issus du territoire insulaire Son nom ? AGRIEX, un acronyme bien choisi pour associer l’agriculture et l’excellence.
Depuis septembre 2017, l’Université de Corse et le CNRS dans le cadre de leur Laboratoire Sciences Pour l’Environnement œuvrent conjointement pour diligenter ce programme, financé par le FEDER et la Collectivité de Corse, autour de la valorisation des espèces végétales et des agro-ressources de l’île. Objectif : poursuivre la valorisation des huiles essentielles, à l’instar de celle d’immortelle, plante cultivée aujourd’hui sur près de 300 hectares en Corse, mais aussi rechercher d’autres applications permettant de diversifier l’offre en s’appuyant, par exemple, sur les agrumes et des dérivés d’huiles végétales. « Les PAM permettent d’obtenir les huiles essentielles, produits à haute valeur ajoutée et composantes principales dans la fabrication de parfums et des cosmétiques », explique Félix Tomi. Professeur de Chimie à l’Université de Corse et co-responsable du projet « AGRIEX » aux côtés de Liliane Berti. Ce chercheur collabore avec une vingtaine de scientifiques pour valoriser les PAM spécifiques à la Corse afin de rechercher de nouvelles applications notamment dans le domaine des cosmétiques avec les activités anti-oxydantes et anti inflammatoires des huiles essentielles et extraits végétaux.
À titre d’exemple, les équipes planchent depuis plusieurs mois sur un projet d’extraction à froid d’huiles essentielles issues de zestes d’agrumes, comme la lime ou le cédrat, « afin d’obtenir des produits très recherchés olfactivement, notamment pour la conception de parfums », projette Félix Tomi. En parallèle, les chercheurs de l’Université de Corse et du CNRS se penchent tout particulièrement sur les tourteaux d’olives, c’est-à-dire le résidu de l’extraction de l’huile, en vue d’aboutir à une gamme de produits dérivés de l’huile d’olive, mais également sur des molécules présentes dans les algues marines ou les sarments de vigne. C’est dire si le projet peut concerner une multitude de filières agricoles, de la viticulture à l’agrumiculture en passant par l’oléiculture. « L’idée est d’utiliser en laboratoire ce que font les plantes naturellement pour mettre au point des méthodes biotechniques et produire des molécules aromatiques, précise Jacques Maury, maître de conférences en Biochimie à l’Université de Corse. Cela doit nous permettre d’aboutir à de meilleurs rendements et à augmenter la valeur ajoutée des produits, ce qui pourrait générer des sources de revenus pour les producteurs des différentes filières agricoles ».
Pour y parvenir, l’Université de Corse et le CNRS travaillent de concert avec trois entreprises de Corse, Corsica Essences, Solyvia et Teppe Rosse, afin de mieux valoriser les PAM en mutualisant la matière première et les savoir-faire permettant d’investir de nouveaux marchés et de diversifier l’offre. Une manière de sortir des laboratoires pour rendre accessibles les compétences des universitaires et les fruits de la recherche au profit des entreprises corses qui œuvrent dans le secteur et connaissent des besoins de diversification.
Gérant de la société Corsica Essences, un laboratoire de création de parfums et de cosmétiques installé depuis 2005 à Sampolo, dans le Haut-Taravo, Patrick Paquet fonde beaucoup d’espoirs sur le projet « AGRIEX ». À ses yeux, l’assistance technique et scientifique des chercheurs est un véritable atout pour « améliorer les rendements en s’appuyant sur les travaux de spécialistes des enzymes. « C’est indispensable pour que l’on puisse diversifier notre offre en proposant de nouveaux produits de qualité à lancer sur le marché, considère Patrick Paquet. Cela peut créer de nouvelles niches et des débouchés pour certains déchets agricoles transformés, susceptibles de générer des retombées économiques jusqu’alors insoupçonnées pour les agriculteurs ».
Un enjeu de taille pour les ressources existantes sur le territoire corse, dans un contexte de forte croissance et d’engouement autour des produits naturels. Actuellement, le chiffre d’affaire du secteur en Corse s’élève à plusieurs millions d’euros, avec un marché très largement dominé par l’immortelle (environ 800 kg produit en moyenne chaque année). En 2017, les PAM ont représenté un marché mondial de 64 milliards de dollars et de plus de 35 000 plantes.