Stress, anxiété, troubles du sommeil ou de l’alimentation, phobies scolaires, addictions… chacun peut un jour ou l’autre avoir besoin d’un soutien et d’un accompagnement psychologique pour aller mieux. Aujourd’hui, les vertus du contact avec le cheval sont largement reconnues et de plus en plus utilisées pour accompagner l’humain dans son parcours de vie sur le plan corporel, psychique et émotionnel. Voici tout ce que vous devez savoir sur l’équithérapie.

Confinements, scolarité aléatoire, enseignement à distance, rupture du lien social, sentiment d’abandon, difficultés financières, décrochage scolaire… les jeunes français ont subi de plein fouet la pandémie de la Covid-19, les plongeant dans une grande souffrance mentale. Selon une enquête de l’Unicef (octobre 2021) menée auprès de 25 000 jeunes en France, les chiffres sont alarmants. Les trois quarts ressentent beaucoup de tristesse et se sentent déprimés. Un jeune sur dix, âgé de 13 à 18 ans, a déjà tenté de se suicider. Ne voyant plus le bout du tunnel, ils n’arrivent pas à se projeter vers l’avenir. Si la levée de certaines restrictions sanitaires s’est accompagnée d’une amélioration du vécu concernant les ressentis liés à la solitude, un Français sur cinq, soit 10 millions de personnes, se trouve dans une grande solitude d’après une étude IFOP de janvier 2022 révélée lors de la 5e Journée des Solitudes. Loin de l’image d’Epinal, la solitude chronique touche absolument tous les âges et en particulier les enfants et les adolescents.

Le sport fait du bien

C’est connu, l’activité physique joue un rôle important dans la prévention et la lutte contre les états dépressifs. Les sports dits d’endurance ont des effets euphorisants, notamment après un effort long et intense. La sécrétion de cortisol circulant et d’adrénaline augmente. L’insuline est régulée. Et au bout de vingt-cinq minutes, il y a les fameuses endorphines. Une fois libérées par le cerveau, plus précisément par l’hypothalamus et l’hypophyse, ces morphines endogènes (produites par l’organisme) se dispersent dans le sang, les tissus de l’organisme et dans le système nerveux central. Avec leur structure moléculaire proche de celle des opiacés, elles réduisent le stress, contrôlent la respiration ainsi que le transit gastro-intestinal et procurent une sensation de plaisir et d’euphorie.

L’équithérapie soigne l’esprit

 

Xénophon (Ve   siècle avant J.C.)  l’affirmait déjà :

« Le cheval est un bon maître, non seulement pour le corps mais aussi pour l’esprit et le cœur. »

En équithérapie, le cheval est le médiateur entre le professionnel et le patient. Le cheval est un être vivant aux canaux sensoriels extrêmement développés, il capte tous les signaux non verbaux que nous émettons. Car il ne faut pas oublier qu’à l’état naturel, il est un animal vivant en troupeau et aussi une proie. La prise en compte de l’état émotionnel, la transmission et réception tel un écho de l’état émotionnel de l’autre font partie intégrante du fonctionnement équin tel un « kit de survie » C’est pourquoi il est un véritable révélateur « lecteur » émotionnel, un miroir de ce que nous ressentons. Ainsi, si nous l’approchons et que nous sommes au fond de nous en colère, tristes, angoissés il le sentira et réagira en bougeant, s’entêtant, en tapant du pied ou en s’approchant. Avec lui, on ne peut pas tricher ni instaurer une relation si on n’est pas en accord et vrai avec soi-même.

En comprenant les réactions et le fonctionnement du cheval, et grâce à l’intervention du professionnel qui est à ses côtés, on comprend aussi les nôtres. Partenaire d’accompagnement à   quatre   jambes et au cœur énorme, il nous observe sans jugement. C’est aussi pour cela qu’il aide à renouer le dialogue avec nous-même puis avec autrui. On lâche prise, on s’accepte pour évoluer vers un mieux être. N’étant ni dans le passé ni dans le futur, il nous ancre dans l’instant présent. L’équithérapie est une véritable thérapie complémentaire. Et c’est là aussi que le cheval nous révèle et nous accompagne sur notre propre chemin.

Le cheval, un psy à quatre jambes

« Sur un plan général, la médiation avec les équidés se différencie des autres médiations manuelles, culturelles ou sportives parce que le médiateur est vivant. Ce tiers cheval remet un peu l’égalité entre l’enfant et l’adulte, les rapports de pouvoir sont différents. L’enfant n’est plus soumis à l’adulte. S’instaure un jeu, il se sent acteur et accepte mieux l’alliance avec l’adulte. L’équithérapie est une médiation qui repose sur une clinique du lien. Le fameux « que signifie apprivoiser ? » de St-Exupéry. L’agrippement des enfants au pelage des poneys, ces corps à corps, relient le comportement initial d’attachement des bébés à leur mère. Les enfants notamment porteurs d’un trouble de la relation peuvent éprouver du plaisir dans une rencontre sécurisée avec un poney. Ils réapprivoisent ce contact fondamental avec une figure d’attachement.

La médiation avec les équidés est aussi une clinique du corps et de la sensorialité : contact de peau, de poils, de crinières, de formes signifiantes, d’odeur, et de kinesthésie rythmique. Cette sensorialité est le lieu de toutes les rencontres entre l’être humain et son environnement. Agissant comme une toile de fond, elle peut faire émerger le développement de la pensée.

On sait que le cheval est un excellent guide de voyage au pays de l’autisme et du handicap. Pourquoi ? Parce qu’il est non jugeant, non intrusif. En revanche, il est curieux, joueur mais peureux lui aussi. Il observe à la dérobé. Il se rapproche mine de rien. Il écoute. Il flaire. L’olfaction est le sens privilégié pour entrer en contact avec le cheval. Il explore l’autre en l’efflorant du bout des lèvres, en soufflant. Il repère l’éventuelle vulnérabilité, l’absence de mouvement. Il va alors stimuler, initier le mouvement, le jeu et la rencontre. Il fonctionne un peu comme les autistes.

Pour les enfants et les adolescents ayant un trouble du comportement destructeur, souvent dans l’autodestruction corporelle (scarification), de l’apprentissage et de la scolarité (échec scolaire, décrochage) ou encore de la socialisation (retrait relationnel, tentative de suicide), le cheval va être un magnifique support pour créer une ambition qui va lui permettre de passer de la destructivité à la créativité. Le cheval, accompagné par le fameux binôme (soignant/moniteur) porteur de mesures, va savoir instaurer la confiance, améliorer l’échange, transmettre le goût de la vie, apprendre le respect, donner envie d’investir autre chose que des comportements inadaptés. Tout ce qui va contribuer à valoriser les jeunes va avoir un pouvoir psychothérapeutique. Pour tous ces jeunes qui se trouvent en extrême difficulté, victimes de graves maltraitances, de gros handicaps, dans le cercle infernal de l’échec… monter sur le cheval est une réussite énorme. Elle l’est d’autant plus quand l’éducateur, le parent présent a peur. Alors, les photos ou les petits films pris lorsqu’ils sont à cheval avec le sourire, offrent leur première image de réussite, la première photo de réussite. Elle va être un déclic. « Mais dis donc ! Toi, tu as réussi à faire ça ! Nous, on ne voudrait pas monter dessus parce qu’il est trop grand, il est trop fort… Tu peux donc retourner à l’école, apprendre ceci ou cela… Tu peux le faire étant donné que tu as pu le faire ! » Ils ont leur photo de réussite à mettre dans leur chambre ou dans le salon des parents. »

Rémi Faucher, pédopsychiatre

 

Le cheval pour guérir

La violence est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme étant « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès. » Les violences subies par les femmes constituent l’une des violations des droit humains les plus répandues dans le monde. Qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, elles entraînent des changements dans notre « être profond », notre corps, notre moral, notre santé et notre façon de voir les choses.

Sentiments de honte et de culpabilité, tristesse, désintérêt, démotivation, dépression, angoisses, peurs, doutes sur soi, sentiment de solitude, irritabilité, colère, troubles alimentaires et du sommeil, maux de tête, douleur au ventre… les répercutions d’une agression sont multiples. En fonction des faits et de son histoire (petite enfance et adolescence), chacun réagit à sa manière. Ces réactions ne se manifestent pas forcément immédiatement et peuvent apparaitre bien plus tard. Sans compter qu’elles peuvent être passagères comme durer dans le temps. Si la première étape pour surmonter ce traumatisme est d’en parler pour s’en sortir, le cheval est une précieuse aide pour guérir de cette douleur chronique.

Le cheval, le meilleur confident

Non jugeant, le cheval est un être authentique qui vit au présent. Animal au grand cœur, Il est doté d’une très forte capacité d’empathie. Il nous accepte tels que nous sommes. Il est extrêmement sensible aux émotions des autres et les capte instantanément. Une fois la relation instaurée, il sait partager son environnement sécure, être et se sentir bien, en confiance, serein avec l’autre sans exiger ni attendre de retour. Il sait nouer des liens affectifs avec l’humain. D’ailleurs, certaine études scientifiques ont montré que le cheval était capable de reconnaitre des émotions humaines.

À son contact, on peut ressentir qu’il nous écoute, qu’il nous comprend, qu’il est juste là pour nous, pour nous faire du bien. Rien de tel pour se libérer, sortir de son enfermement, pour réussir à nouer une relation de confiance excluant la peur et la violence. Le cheval permet d’exprimer des émotions sans sentir le regard de l’autre, d’évoluer à ses côtés en ne le percevant pas comme une menace mais comme son égal. Doux, apaisant, chaud… il favorise la relaxation. En entrant en résonnance avec lui, on se reconnecte à nos sens, on apaise nos émotions, et on accède à un calme intérieur.

Le cheval, le grand frère des cités

L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux (1998) de Robert REDFORD, Danse avec lui de Valérie GUIGNABODET (2007), The Mustang (2019) de Laure de CLERMONT-TONNERRE… nombreux    sont    les     films     faisant     l’éloge du cheval pour guérir les âmes blessées. Entrer dans l’univers du cheval et instaurer une relation de confiance avec lui sont une véritable source d’enrichissement général, un merveilleux moyen d’insertion et/ou de réinsertion dans la société.

Quels que soient le milieu social, la couleur de peau, le niveau d’études, la religion… le cheval n’a pas de préjugé. Or, l’inégalité, comme les idées préconçues, sont des phénomènes très présents dans la société. Subir et intérioriser des injustices provoquent soit une soumission génératrice de retrait et de repli sur soi, soit une révolte contre cette société. Face à sa taille et à la présence qu’il dégage, on apprend à accueillir l’ensemble de nos émotions et ainsi canaliser sa colère, sa rage et sa haine. Avec un équidé, on peut tout exprimer mais pas n’importe comment. Il incite à prendre conscience de ses actes, de son mode de communication, à se remettre en question, à se contrôler et à apprendre le respect mutuel. Généralement, cette remise en cause est plus facile à accepter de la part d’un animal que d’un être humain.

L’équithérapie pour vivre au mieux le handicap

Comme pour les valides, la pratique d’une activité physique régulière présente de nombreux bienfaits physiques et psychologiques pour les personnes en situation de handicap. Quels que soient la pathologie et l’âge, elle améliore le système cardio-respiratoire, l’oxygénation du cerveau, le métabolisme de base, la masse musculaire, la densité osseuse… Elle permet d’éloigner les méfaits de la sédentarité, de prévenir certaines maladies chroniques (obésité, diabète, arthrose, sarcopénie, ostéoporose …) et de lutter contre le stress, l’anxiété ou encore la dépression.

Le cheval, partenaire de la rééducation fonctionnelle

Au-delà des bénéfices santé, l’activité physique, en particulier l’équitation, permet de se réapproprier son corps afin de l’accepter et de le voir d’une façon différente. Si le kinésithérapeute et l’orthoprothésiste sont la première étape fondamentale de la réadaptation physique et fonctionnelle, l’équitation s’intègre aussi dans le parcours global de la personne handicapée vers l’autonomie.

Les mouvements du bassin et du buste, qui accompagnent la cadence des pas du cheval, entraînent une situation de proprioception. En fonction des indications reçues sur la position du corps, le cerveau réagit en contractant ou en relâchant certains muscles afin de garder l’équilibre. Les réflexes posturaux sont ainsi naturellement stimulés. Les muscles profonds du maintien, qui ne seraient pas sollicités autrement, sont mobilisés. Cette mobilisation entraîne des réactions sur les systèmes circulatoires et nerveux. Un muscle est en bonne santé si, et si seulement, il est innervé. En améliorant ainsi la qualité des fibres musculaires et la force, la mobilité articulaire, la préhension, l’équilibre, la coordination, la posture… le cheval renforce la rééducation fonctionnelle classique basée sur des exercices répétitifs et sur un ensemble de soins corporels.

« Monter à cheval au pas entraîne plus de 300 mouvements et 2 000 ajustements posturaux. Le mouvement symétrique gauche droite du cheval occasionne un balancier du patient qui entraine une situation proprioceptive. »

Dr Éric PANTERA, médecin physique et réadapateur au CHU de Nîmes.

Le cheval permet un vrai travail relationnel, de prendre du recul sur ses erreurs et de mieux analyser ses comportements pour y remédier. La personne accède ainsi à une nouvelle manière d’être, en vue d’un mieux-être et d’un mieux-vivre. A cela, il convient aussi d’ajouter que son contact favorise la confiance en soi et l’estime de soi. Plus qu’un outil de médiation, le cheval est l’atout pluridisciplinaire de l’éducateur et du thérapeute.

Le cheval, pour se réapproprier son schéma corporel

Si les muscles travaillent en synergie, toutes les fonctions psychomotrices interagissent également entre elles. Dans la rééducation sensorielle, la relation privilégiée avec le cheval se veut également un motivationnelle. Lors de la gestualité du corps en selle, la mobilisation de son côté gauche ou droit, les mouvements des doigts, la coordination œil/main, main/ main, pied main, au repérage dans l’espace… le cerveau reçoit en continu des informations sur la position statique et dynamique du corps ou d’un segment de membre dans l’espace. Il est informé de la moindre variation de position et de mouvement via des petits capteurs, dits mécanorécepteurs, situés dans les os, les muscles, les tendons, les articulations, et même sur la plante des pieds. En fonction des indications reçues sur la position du corps, le cerveau réagit en contractant ou en relâchant certains muscles afin d’assurer son équilibre. Qui dit meilleur sens de l’équilibre, dit meilleure posture, meilleure gestuelle, meilleurs réflexes… Une qualité non négligeable pour reconstruire et redéfinir son schéma corporel (carte mentale que l’on fait de son corps), reprendre confiance en soi et gagner en autonomie.