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Le sucre est-il vraiment un poison?

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Aujourd’hui sort en salles « Sugarland », un documentaire à charge alertant sur les dangers des sucres cachés pour la santé. Si le sucre est très présent dans notre alimentation, peu de consommateurs savent où il se dissimule. Enquête, à retrouver dans La Croix demain, sur un produit omniprésent et universellement apprécié sur lequel circulent beaucoup d’idées fausses. Extrait.

De façon visible ou cachée, le sucre est très présent dans notre alimentation. Certains spécialistes affirment même qu’il peut provoquer une addiction. En France, les experts recommandent de ne pas dépasser 100 g de sucre par jour et pas plus d’une boisson sucrée. « Poudre blanche », « poison », drogue… Depuis quelques mois, plusieurs livres, films ou reportages font du sucre un aliment à bannir absolument. À raison?

Où trouve-t-on du sucre dans notre alimentation?

« Pratiquement partout », répond Serge Ahmed, directeur de recherche à l’Inserm et à l’université de Bordeaux. De fait, il y en a dans de nombreux produits alimentaires, de manière plus ou moins visible. Avec d’abord bien sûr le produit de base, en morceaux ou en poudre, composé de saccharose (moitié glucose, moitié fructose). Le sucre est aussi pré- sent à l’état naturel dans les fruits et les légumes. Par exemple, pour une portion de 100 g, on trouve 11 g de sucre dans des pommes golden, 15 g dans du raisin et 5 g dans des carottes crues. De nombreux produits industriels contiennent aussi du sucre « ajouté » sans que le consommateur soit toujours conscient des quantités. L’adolescent qui boit une cannette de soda ne comprend pas toujours qu’il ingurgite l’équivalent de 10 cuillères à café de sucre. Et ses parents, qui raffolent de plats cuisinés, ignorent aussi souvent qu’ils contiennent des « sucres cachés ». En 2016, l’Institut national de la consommation (INC) et la Fédération des diabétiques avaient alerté sur ces derniers, présents aussi bien dans des pizzas que des carottes râpées, des bières, des mayonnaises ou du céleri rémoulade. « Les quantités qui ont été relevées ne sont pas ano- dines, jusqu’à l’équivalent de trois morceaux de sucre dans une portion de pizza royale », affirmaient alors les deux institutions.

Pourquoi les industriels utilisent-ils ces « sucres cachés »?

Directeur scientifique du Centre d’études et de documentation du sucre (Cedus), Philippe Reiser affirme que celui-ci est présent en faible quantité dans ces aliments. « Au total, 90 % du sucre vendu aux industriels est utilisé pour des produits sucrés et seulement 10 % pour des produits salés. On trouve 0,5 % de sucre dans les jambons ou 0,3 % dans la bière », indique-t-il, en précisant que ces substances sont ajoutées pour permettre une meilleure conservation des pro- duits ou pour adoucir l’acidité de certaines saveurs. « Ajouter du sucre donne un goût plus agréable. Mais en agissant ainsi, on va provoquer un mécanisme de conditionnement du consommateur qui, sans même se rendre compte, va voir activer des mécanismes neuronaux de circuit de la récompense, qui vont ensuite provoquer une attirance spontanée pour ce produit », indique Serge Ahmed.

Le sucre est-il indispensable à l’organisme?

C’est l’un des arguments des industriels :  le sucre serait un « carburant cellulaire », indispensable pour apporter « l’énergie nécessaire » à l’organisme ou à la mémoire. « Des enfants ayant consommé un petit déjeuner sont plus performants pour effectuer dans la matinée des tests d’arithmétique et de lecture », affirme le Cedus. En fait, ce sont les glucides qui sont indispensables à l’organisme, lui apportant 50 % de ses apports énergétiques journaliers. Mais il y a les glucides simples et complexes. Les premiers, présents dans les pro- duits sucrés, n’apportent aucun élément favorable à la santé. On trouve les seconds dans les pâtes, le riz, le maïs, le blé, les légumes secs ou  les  pommes de terre. « Manger un bol de céréales sucrées n’est pas indispensable pour bien travailler à l’école. On peut aussi manger des tartines beurrées avec un peu de confiture », indique le professeur Irène Margaritis, directrice de l’évaluation des risques à l’Agence nationale de sécurité des aliments (Anses). « C’est important de manger suffisamment de glucides, mais en préférant des produits qui vont aussi apporter des fibres par exemple », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, les recommandations en France visent à réduire de 25 % la consommation de glucides simples et à augmenter de 50 % celle des glucides complexes.

Quelle quantité de sucre peut-on manger sans risque pour la santé?

Dans un rapport de fin 2016, l’Anses préconise de ne pas dé- passer 100 g de sucre par jour. Dans ce chiffre, l’Agence englobe tous les sucres, ceux présents à l’état naturel dans les fruits ainsi que les sucres ajoutés. De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a édicté des repères pour les seuls sucres ajoutés, estimant qu’ils ne devraient pas dépasser 10 % de la ration énergétique totale. « Il serait encore meilleur pour la santé de réduire l’apport en sucres à moins de 5 % de la ration énergétique totale, soit à 25 grammes (6 cuillères à café) environ par jour », indique l’OMS. Encore faut-il que ces repères soient facilement compris par les consommateurs. Pour y voir de lui en 2016 en affirmant que le sucre était plus addictif que la cocaïne ou l’héroïne. « Nous avons conduit de nombreux travaux sur des rats, explique-t-il. Une de ces études consistait à administrer à des animaux de la cocaïne et de l’héroïne jusqu’à un stade où nous avons constaté qu’ils développaient des signes comportementaux.

plus clair, ces derniers peuvent consulter sur Internet le Ciqual (1), une table nutritionnelle qui permet de connaître la teneur en sucre de tous les aliments. On dé- couvre que, pour une portion de 100 g, une pâte à tartiner à la noisette contient 56 g de sucres. Soit un peu plus de la moitié de la ra- tion quotidienne à ne pas dépasser, selon la norme française. « Le message important est aussi de ne pas consommer plus d’une boisson sucrée par jour. Et de préférer un jus de fruits à un soda », indique le professeur Margaritis.

Aujourd’hui, environ 20 % des Français sont au-dessus de ce repère de 100 g par jour. « Mais cela dépend de l’âge et du sexe. Ceux qui dépassent le plus sont les garçons de 11 à 17 ans. Ils sont 35 % à dépasser le seuil des 100 g par jour. Mais on estime que s’ils supprimaient les sodas, ils retom- beraient en dessous », précise le professeur Margaritis.

Existe-t-il une addiction au sucre?

C’est la conviction de certains scientifiques comme Serge Ahmed, qui a largement fait parler des effets « néfastes ». Dans son rapport de fin 2016, l’Anses estime qu’il existe un faisceau d’éléments convergents vers des « effets néfastes d’apports élevés en sucre ».  Mais tous les spécialistes ne sont pas convaincus. « Certes, les gens qui ont l’habitude de mettre deux sucres dans leur café vont avoir du mal à le boire nature », souligne le professeur Martine Laville, professeur de nutrition à la faculté de médecine de Lyon. « Certes, on voit aussi régulièrement en consultation des patients qui consomment beaucoup de produits sucrés, parfois de manière ”émotionnelle”. Mais nous ne sommes pas des rats en laboratoires. Et certaines com- pulsions sont davantage liées à des troubles du comportement alimentaire qu’à une addiction à tel ou tel produit. »

 

(1) ciqual.anses.fr

 

Taxer le sucre ajouté dans les produits ultra-transformés : une nécessité pour améliorer la santé

 

 

Pierre Bienvault

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