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Il est possible de savoir si un patient aura des formes sévères de Covid-19

Quel patient va développer une forme grave de Covid-19 ? C’est une question essentielle à laquelle il faut répondre pour améliorer la prise en charge individuelle et le pronostic de ces patients.  Les chercheurs viennent de comprendre qu’il est possible de savoir si un patient aura des formes sévères de Covid-19. Explications.

Environ 5 % des personnes atteintes de Covid-19 évoluent vers une forme grave ou critique et développent notamment une pneumonie sévère se transformant en syndrome de détresse respiratoire aiguë. Si ces formes surviennent parfois au début de la maladie, les observations cliniques décrivent généralement une progression de celle-ci en deux étapes, commençant par une forme légère à modérée, suivie d’une aggravation respiratoire 9 à 12 jours après l’apparition des premiers symptômes. Cette évolution soudaine suggère une dérégulation de la réponse inflammatoire de l’hôte. Un nombre croissant d’indications suggère que cette aggravation est provoquée par une forte augmentation des cytokines. Cet emballement de la réponse inflammatoire est corrélé à une infiltration massive dans les poumons de cellules immunitaires innées, à savoir des neutrophiles et des monocytes, créant des lésions pulmonaires et un syndrome de détresse respiratoire aigu. Mais, les chercheurs de l’Inserm ont découvert qu’il est possible de savoir si un patient aura des formes sévères de Covid-19. Dans une publication parue dans Science le 13 juillet, des équipes de l’Inserm et d’Université de Paris à l’Institut Imagine et des chercheurs de l’APHP et de l’Institut Pasteur décrivent un phénotype immunologique unique et inattendu chez les patients graves et critiques, consistant en une réponse fortement altérée des interférons (IFN) de type I, associée à une charge virale sanguine persistante et à une réponse inflammatoire excessive. Ces données suggèrent que la déficience en IFN de type I dans le sang pourrait être la marque des formes graves de Covid-19 et soulignent l’intérêt d’approches thérapeutiques associant l’administration précoce d’IFN avec une thérapie anti-inflammatoire adaptée ciblant l’IL-6 ou le TNF-α chez les patients en prévention d’une forme sévère.

Par analogie avec une maladie génétique conduisant à une pathologie pulmonaire semblable et identifiée à l’institut Imagine par l’équipe du chercheur Inserm Frédéric Rieux-Laucat, l’hypothèse initiale supposait une production excessive des interférons (IFN) de type 1, un marqueur de la réponse aux infections. Or chez les patients gravement malades, les équipes de Darragh Duffy (Unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques, Institut Pasteur/Inserm), de Frédéric Rieux-Laucat (Laboratoire d’immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques de l’Institut Imagine – Inserm/Université de Paris), de Solen Kernéis (Equipe Mobile d’Infectiologie, AP-HP.Centre – Université de Paris) et de Benjamin Terrier (Département de Médecine Interne, AP-HP. Centre – Université de Paris) montrent que la production et l’activité des IFN de type I sont fortement diminuées dans les formes les plus sévères de la Covid-19. A cela s’ajoute une charge virale sanguine persistante, témoignant du mauvais contrôle de la réplication virale par le système immunitaire des patients et conduisant à l’emballement d’une réponse inflammatoire inefficace et pathologique. L’inflammation, provoquée par le facteur de transcription NF-kB, entraîne par ailleurs une augmentation de la production et de la signalisation du facteur de nécrose tumorale (TNF)-alpha et de l’interleukine IL-6, une cytokine pro-inflammatoire.

Cette faible signature des IFN de type I diffère de la réponse induite par d’autres virus respiratoires tels que le virus respiratoire syncitial humain ou le virus de la grippe A, tous deux caractérisés par une forte production de l’IFN de type I.

L’étude révèle par ailleurs que de faibles taux d’IFN de type 1 dans le plasma précèdent l’aggravation clinique des patients et leur transfert en soins intensifs. Les taux d’IFN de type 1 circulant caractériseraient même chaque stade de maladie, les taux les plus bas étant observés chez les patients les plus graves. Ces résultats suggèrent que dans l’infection à SARS-CoV-2 la production de l’IFN de type I est freinée chez l’hôte infecté, ce qui pourrait expliquer les formes sévères plus fréquentes chez des individus faiblement producteurs de cette cytokine, comme les personnes âgées ou ceux ayant des comorbidités.

Par conséquent, la déficience en IFN de type I pourrait être une signature des formes graves de la COVID-19 et pourrait permettre d’identifier une population à haut risque.

Ces résultats suggèrent en outre que l’administration d’IFN-alpha combinée avec une thérapie anti-inflammatoire ciblant l’IL-6 ou le TNF-α, ou des corticoïdes comme la dexamethasone, chez les patients les plus sévères pourrait être une piste thérapeutique à évaluer pour enrayer les formes sévères de COVID-19.

 

Sources il est possible de savoir si un patient aura des formes sévères de Covid-19 :

Impaired type I interferon activity and inflammatory responses in severe COVID-19 patients

Jérôme Hadjadj1,2, , Nader Yatim2,3, , Laura Barnabei1, Aurélien Corneau4, Jeremy Boussier 3, Nikaïa Smith3, Hélène Péré5,6, Bruno Charbit7, Vincent Bondet3, Camille Chenevier-Gobeaux8, Paul Breillat2, Nicolas Carlier9, Rémy Gauzit10, Caroline Morbieu2, Frédéric Pène11, Nathalie Marin11, Nicolas Roche9, Tali-Anne Szwebel2, Sarah H Merkling12, Jean-Marc Treluyer13, David Veyer5, Luc Mouthon2, Catherine Blanc4, Pierre-Louis Tharaux6, Flore Rozenberg14, Alain Fischer1,15,16, Darragh Duffy3,7,#, Frédéric Rieux-Laucat1,#, Solen Kernéis10,17,# and Benjamin Terrier2,6,#, *

Science, 13 juillet 2020

https://science.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.abc6027.

1Imagine institute, laboratory of Immunogenetics of Pediatric Autoimmune Diseases, INSERM UMR 1163, Université de Paris, F-75015, Paris ; 2Department of Internal Medicine, National Referral Center for Rare Systemic Autoimmune Diseases, Assistance Publique Hôpitaux de Paris-Centre (APHP-CUP), Université de Paris, F-75014, Paris ; 3Laboratory of Dendritic Cell Immunobiology, Inserm U1223, Department of Immunology, Institut Pasteur, F-75015, Paris; 4Sorbonne Université, Faculté de médecine, UMS037, PASS, Plateforme de cytométrie de la Pitié-Salpêtrière CyPS, F-75013, Paris ; 5Department of Virology, APHP-CUP, Université de Paris, F-75015, Paris ; 6PARCC, INSERM U970, Paris ; 7Cytometry and Biomarkers UTechS, CRT, Institut Pasteur, F-75015, Paris; 8Department of Automated Diagnostic Biology, APHP-CUP, F-75014; 9Department of Pulmonology, APHP-CUP, Institut Cochin, UMR 1016, Université de Paris, F-75014, Paris; 10Equipe Mobile d’Infectiologie, APHP-CUP, Université de Paris, F-75014, Paris ; 11Medical intensive care unit, APHP-CUP, Institut Cochin, INSERM U1016, CNRS UMR 8104, Université de Paris, F-75014, Paris; 12Insect-Virus Interactions Unit, Institut Pasteur, UMR2000, CNRS, Paris ; 13Centre Régional de Pharmacovigilance, APHP-CUP, Université de Paris, F-75014, Paris 14Department of Virology, APHP-CUP, Université de Paris, F-75014, Paris ; 15Unité d’immunologie hématologie et rhumatologie pédiatriques, APHP-CUP, Université de Paris, F-75015, Paris ; 16Collège de France, Paris; 17Epidémiologie et modélisation de la résistance aux antimicrobiens, Institut Pasteur, F-75015, Paris, France.

†JH and NY contributed equally to the work.

DD, FRL, SK and BT are senior coauthors.

 

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