Vous pensez que lorsque vous buvez de l’eau du robinet vous ne risquez? Qu’elle est pure? Que nenni! Générations Futures a mené une grande étude et le résultat est sans appel il y a des pesticides, perturbateurs endocriniens, cancérigènes dans l’eau du robinet. Explications.
L’association Générations Futures a souhaité savoir quelle était la proportion des résidus de pesticides quantifiés dans l’eau du robinet ayant des propriétés Cancérogène, mutagène, reprotoxique (CMR) ou perturbatrice endocrinienne (PE). Le but était d’identifier l’ensemble des substances retrouvées lors des prélèvements et d’établir un état des lieux en fonction de leur nombre d’occurrences et de leur toxicité. Et les études ont montré qu’il y a des pesticides, perturbateurs endocriniens, cancérigènes dans l’eau du robinet.
Des pesticides perturbateurs endocriniens, cancérigènes mutagènes et reprotoxiques dans l’eau du robinet en France en 2019
Lors de l’étude, deux critères sont retenus à savoir, le caractère cancérogène, mutagène ou reprotoxique (CMR) et le potentiel perturbateur endocrinien (PE). C’est l’ingénieur en biologie de Générations Futures qui a effectué ce travail dont voici les résultats.
Dans les 8 835 analyses ayant révélé la présence d’au moins un résidu de pesticide au-delà des limites de quantifications, 185 substances pesticides différentes ont été quantifiées au moins une fois.
Certaines substances n’ont été quantifiées qu’une seule fois en 2019 (comme l’amidosulfuron) mais d’autres l’ont été nettement plus fréquemment, le record revenant au métolachlore (et ses métabolites) avec 4258 analyses quantifiées. Au total notre analyse montre 15 990 quantifications individuelles de pesticides.
Vous trouverez ci-après les molécules de pesticides classées de la plus à la moins quantifiées et leurs propriétés CMR et/ou PE.
Quelles molécules ont été trouvées l’eau du robinet et quelles sont leur toxicité?
Ces résultats détaillés permettent de regrouper les molécules mutagène ou reprotoxique (CMR) et les molécules PE (perturbateurs endocriniens) et de calculer ce que ces catégories représentent dans l’ensemble des résidus de pesticides quantifiés.
Les molécules les plus souvent trouvées dans l’eau du robinet
Le métolachlore (dont métabolites) : c’est herbicide organochloré. Il est interdit en France depuis 2003, et remplacé par un produit très proche le S-métolachlore (la fin de son autorisation au sein de l’UE est prévue le 31/07/20). Même Syngenta alerte dans une vidéo sur la capacité à polluer les eaux du S-métolachlor…
Le métazachlore (dont métabolites) : c’est un herbicide de la famille des chloroacétanilides (approuvé au sein de l’UE jusqu’au 31/07/21). Pour cette molécule c’est BASF qui fait des recommandations sur les pratiques près des eaux…
L’Atrazine et ses métabolites: herbicide qui appartient à la famille des triazines. Substance non approuvée au sein de l’UE depuis 2004…
Le Dimethachlor : C’est un herbicide de la famille des Chloroacetanilides. Approuvé au sein de l’UE jusqu’au 31/12/2021.
L’Oxadixyl : C’est un fongicide interdit depuis 2002
Le Dichlobénil : C’est un herbicide de la famille des Benzonitriles non approuvé depuis 2008
L’Anthraquinone (HAP) : Il appartient à la famille chimique des hydrocarbures aromatiques polycycliques. C’est aussi un pesticide type répulsif non approuvé au sein de l’UE depuis 2008.
Le Simazine : C’est un herbicide qui appartient à la famille des triazines. Substance non approuvée au sein de l’UE depuis 2004…
L’Alachlore : C’est un herbicide, qui appartient à la famille chimique des chloroacétamides, non approuvé au sein de l’UE depuis 2006.
Le Bentazone : c’est un herbicide réapprouvé au titre du règlement n°1107/2009, depuis le 01/06/2018 et jusqu’au 31/05/2025 (voir la fiche de phytopharmacovigilance de l’ANSES).
47 molécules des 185 quantifiées au moins une fois sont donc considérées comme CMR par l’UE (soit 25,4%) et 91 sont des PE suspectés (soit 49,2%). 105 molécules avaient l’une ou l’autre des propriétés ou les deux à la fois (soit 56,8%).
Le travail d’analyse de ces données des contrôles sanitaires de l’eau du robinet réalisés dans le cadre d’analyses réglementaires par les agences régionales de santé montre clairement que les résidus de pesticides retrouvés au robinet sont majoritairement des perturbateurs endocriniens suspectés : 56.8% des quantifications de résidus de pesticides (et 49,2% des molécules).
Les CMR sont aussi très présents : 38,5% des quantifications de résidus de pesticides (et 25.4% des molécules).
Au total les résidus de pesticides étant CMR et/ou PE suspectés représentent plus des 3/4 des quantifications de résidus de pesticides : 78,5% des quantifications de résidus de pesticides (et 56,8% des molécules).
Les pesticides : Si on les cherche, on les trouve
Nombre de pesticides recherchés dans les analyses officielles : seulement 12 dans l’Aisne contre 609 dans le Var !
« Les pollutions agricoles constituent toujours les premières causes de contaminations : 450 000 consommateurs boivent ainsi une eau dépassant les normes maximales en pesticides et 148 000 une eau contaminée par les nitrates ».
UFC-Que Choisir
Des pesticides perturbateurs endocriniens suspectés retrouvés dans plus du quart des analyses pourtant réputées conformes
- D’intensifier les recherches de pesticides en lien avec les niveaux de risques et les types de cultures environnantes. Les consommateurs sont appelés à soutenir la pétition lancée en ce sens.
- D’interdire la commercialisation des pesticides suspectés d’être des perturbateurs endocriniens en application du principe de précaution.
Évitez de boire de l’eau du robinet
Ces données montrent clairement que des pesticides sont fréquemment retrouvés dans l’eau du robinet en France (dans 35,6% des analyses les recherchant) et que parmi les résidus retrouvés, les molécules CMR ( propriétés Cancérogène, mutagène, reprotoxique) et/ou suspectées PE (perturbateurs endocriniens) représentent plus des ¾ des quantifications individuelles de pesticides ! (et plus de la moitié pour les seuls PE). Étant donné le potentiel d’action à faible dose sur le long terme des perturbateurs endocriniens, Générations Futures considère ces données comme inquiétantes car elles attestent d’une exposition continue à des faibles doses de ces perturbateurs endocriniens par l’eau de consommation.
En termes de quantifications individuelles de pesticides, sur les 15 990 quantifications individuelles de résidus de pesticides, 6 151 sont le fait de CMR (soit 38,5%), 9 088 le fait de PE suspectés (soit 56,8%) et 12 551 le fait de molécules ayant l’une ou l’autre propriété ou les deux à la fois (soit 78,5%).
Générations Futures interpelle donc le gouvernement afin qu’une politique efficace de réduction de l’usage des pesticides soit enfin appliquée après les échecs des premiers plans Ecophyto.
Elle est d’autant plus indispensable que la Commission européenne vient à son tour d’appeler à une réduction de 50% de l’usage et des risques liés aux pesticides dans ses Stratégies ‘ De la ferme à la fourchette’ et ‘Biodiversité’ récemment publiées. Le temps n’est donc plus aux tergiversations mais à une action résolue pour sortir les agricultures françaises et européennes de leur dépendance aux pesticides de synthèse.
Cette exigence de changement est portée par des centaines de milliers de citoyen.ne.s européen.ne.s dans une initiative citoyenne européenne actuellement encours qui demande que l’agriculture européenne sorte des pesticides en 15 ans : https://www.savebeesandfarmers.eu/fra
Au vu de ces résultats préoccupants, l’UFC-Que Choisir et Générations Futures s’associent pour demander une interdiction des pesticides suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, ainsi qu’un renforcement urgent par le ministère de la Santé des exigences en matière d’analyses de pesticides devant être impérativement réalisées par les Agences Régionales de Santé. Les associations appellent les Français à vérifier gratuitement la qualité de l’eau du robinet de leur commune, constater le niveau de recherche des pesticides, et signer leur pétition pour que le Ministère de la Santé augmente les recherches de pesticides là où elles sont insuffisantes. Une eau conforme à la réglementation pour plus de 98 % des Français.
Sources :