Alors que l’industrie pharmaceutique confisque le débat sur l’accès aux médicaments innovants, selon ses intérêts et son calendrier, la Ligue contre le cancer exige un débat public et une régulation immédiate. Aujourd’hui, la prise en charge des traitements des cancers est remboursée à 100% par l’Assurance maladie dans le cadre du régime ALD (affection longue durée). Avec l’augmentation de l’incidence des cancers en partie due au vieillissement de la population, l’augmentation de la prévalence des patients traités pour cancer et l’inflation des prix des traitements et, plus particulièrement, des médicaments anticancéreux, le coût global de la prise en charge des traitements des cancers ne cesse de s’accroître. En 2015, ce coût aura représenté 10% des dépenses de l’Assurance maladie[1] contre 6,6% en 2007[2]. Avec le prix des nouvelles molécules qui arrivent sur le marché, tel que pratiqué par les laboratoires pharmaceutiques, notre système est mis à mal. Alors, comment s’assurer que toutes les personnes malades devant bénéficier de ces traitements innovants continueront à y avoir accès de façon équitable ?
Médicaments anti cancers : des prix injustes, exorbitants et insupportables pour notre système de santé
L’efficacité des médicaments innovants permet de guérir de nombreuses personnes malades et d’augmenter de façon régulière leur durée de vie. Mais à quel prix ? Quelques exemples surréalistes :
• Le Tarceva®, traitement utilisé contre certains cancers bronchiques, coûte aux États-Unis plus de 78 000 dollars par an pour chaque patient traité alors qu’il pourrait être copié pour 230 dollars[3].
• La prochaine molécule qui devrait arriver en France contre le traitement du mélanome, appelée Keytruda®, coûterait plus de 100 000 euros par an pour chaque patient traité.
Selon une centaine d’oncologues américains réputés, signataires d’une pétition pour alerter les autorités sur l’inflation des prix des anticancéreux, ces prix ont été multipliés par 10 depuis 2000. Et ce n’est pas terminé ! Pour les laboratoires pharmaceutiques, le marché très lucratif des anticancéreux – estimé à près de 80 milliards de dollars en 2014 – devrait dépasser les 155 milliards de dollars d’ici à 2020 selon les calculs d’Evaluate Pharma.
Le prix du médicament ne doit pas être fixé par l’industrie pharmaceutique en fonction des pays !
Le laboratoire produisant le Sofosbuvir® justifie – par exemple – son prix exorbitant en arguant que ce produit, guérissant plus de 90% des malades atteints par le virus de l’hépatite C, évite les dépenses qu’engendreraient cancers du foie, cirrhoses, greffes hépatiques… En réalité, la détermination du prix des médicaments innovants est fonction d’un rapport de force entre le producteur (le laboratoire pharmaceutique) et l’acheteur (l’Assurance maladie).
« La cure de Sofosbuvir® coûte l’équivalent de 67 000 dollars aux USA, 41 000 euros en France, l’équivalent de 4 000 euros en Thaïlande et de 700 euros en Egypte[4]. Ainsi, le prix est déterminé par ce que « le marché intérieur » peut tolérer. Ces prix sont totalement déconnectés des dépenses engagées par les industriels du médicament. Ces prix sont injustifiables, injustes et nous ne pouvons pas l’accepter » explique le professeur Jacqueline Godet, présidente de la Ligue contre le cancer. « Accepterions-nous que les fabricants d’airbag dans les voitures fixent le prix de leur produit en fonction du nombre de vie sauvées ? Au nom des personnes malades et de tous les ligueurs, j’en appelle à une mobilisation de chacune et de chacun ! »
Aujourd’hui, le coût de la recherche et du développement des molécules ne représente que 15 à 20% du chiffre d’affaire des laboratoires pharmaceutiques ; alors que le marketing développé pour promouvoir ces médicaments équivaut à 30% du chiffre d’affaire. Notre système de santé n’a pas à supporter le coût de la promotion des médicaments.
Parce que les prix des médicaments innovants sont injustement fixés et injustifiables, parce que chaque malade doit avoir droit au meilleur traitement, la Ligue souhaite mobiliser les pouvoirs publics et le plus grand nombre pour mettre en place une refonte totale du système de fixation des prix des médicaments en France. Parce que ces médicaments ne sont pas des biens comme les autres, il est impératif de les soustraire à toute logique de marché.
IL EST URGENT D’AGIR
La population doit impérativement être informée et s’emparer du sujet
NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ est en danger ! En tant que porte-parole des personnes malades, la Ligue contre le cancer défend l’équité D’ACCÈS pour tous à la prescription des médicaments innovants.
Dans ce but, la Ligue demande l’ouverture sans délai d’un débat public
Parce que la survie de notre système de santé est en jeu, ce débat public ne doit pas rester dans les seules mains des laboratoires pharmaceutiques. Les pouvoirs publics doivent se saisir de cette urgence en organisant un débat citoyen national et en instaurant des Etats généraux du médicament.
2016 doit être le temps de la prise de conscience, le temps de la réflexion, de temps de l’action. Citoyens, associations, institutions publiques, décideurs politiques, personnes malades, proches, professionnels de santé… parce que nous sommes tous directement concernés par la survie de notre système de santé, par l’avenir de notre Assurance maladie, parce que nous voulons avoir la garantie d’accéder aux meilleurs traitements, ce débat doit être national et démocratique.
Sans attendre, la Ligue exige aujourd’hui la TRANSPARENCE et la PERTINENCE pour que l’équité d’accès aux médicaments innovants soit assurée
TRANSPARENCE PERTINENCE
• Des prix : la TRANSPARENCE doit être TOTALE dans la fixation des prix ET dans les remboursements des médicaments innovants.
• Des liens entre les acteurs concernés : tout lien ou conflit d’intérêt entre les industriels, les décideurs et les prescripteurs doit être supprimé.
• La création d’un observatoire indépendant de l’équité d’accès aux médicaments et la mise en place d’outils d’informations actualisées (site internet par exemple) expliquant la décomposition du prix de chaque médicament innovant en cancérologie.
• Des prix : la Ligue demande la mise en place de mécanismes d’adaptation du prix qui tiennent compte de critères liés à l’utilisation des médicaments innovants (nombre de patients, nombre de prescripteurs, efficacité, etc.).
• Des prescriptions : la Ligue demande une PRESCRIPTION PERTINENTE des médicaments innovants par les médecins spécialistes.
La Ligue agit et créé un espace de débat
Sans attendre, dès aujourd’hui, la Ligue contre le cancer ouvre une plateforme de débat et de soutien (pétition), accessible à tous et pour tous. Participez sur : www.ligue-cancer.net
« A l’issue de ces débats générés par cette plateforme, les pouvoirs publics devront, dans le rôle de défense de l’intérêt commun, prendre de nouvelles dispositions pour réguler les prix des médicaments innovants et garantir la protection de notre système de santé» annonce le professeur Jacqueline Godet.
A Lire :
Cancer, le fléau qui rapporte, Nicole Delépine – Michalon
Le racket des laboratoires pharmaceutiques, Michèle Rivasi – 14 euros
SOURCES :
[1] Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Assurance maladie, juillet 2015
[2] Rapport 11-04 de l’Académie nationale de médecine, mars 2011
[3] Le Monde, éco & entreprise, 27 septembre 2015
[4] Même avec un prix de 700 €, les bénéfices restent importants car le prix de production est inférieur à 150 € et il y a 13 millions de porteurs de l’Hépatite C en Égypte.