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Geste inné, le réflexe de succion existe dès la naissance. Se séparer de sa tétine et arrêter de sucer son pouce sont bien souvent source de tensions et de drames familiaux… des situations qui demandent beaucoup de patience et de confiance mutuelle entre les parents et leurs enfants.

1. Un besoin naturel de l’enfant

Pour de nombreux parents, la succion, qu’il s’agisse du pouce ou de la tétine est un  sujet d’inquiétude. « Est-ce normal ? Est-ce néfaste ? Dois-je l’autoriser ? » Autant de questions fréquemment posées aux pédiatres notamment.

La succion est un besoin naturel du nourrisson. C’est en absorbant le liquide amniotique dès la 12e semaine in utero, et parfois en suçant son pouce, que le fœtus développe les mouvements de succion qui sont indispensables à sa croissance et à sa survie après la naissance. Tous ne sont pas égaux face à ce besoin.

D’une façon générale, on estime que 84%1 des nourrissons tètent une tétine ou leur pouce de temps en temps et 15% le font encore après l’âge de 6 mois.

2. Alors… Le pour ? Le contre ?

Les succions présentent des avantages…

L’intérêt de toutes les succions, qu’elles soient nutritives ou non, est d’apporter du plaisir, d’apaiser, et de calmer l’enfant. La succion a une fonction déstressante pour l’enfant, favorisant entre autres l’endormissement.

Des études2 ont mis en évidence l’utilité de la tétine contre la mort subite du nourrisson. De part sa forme, elle modifierait la façon dont l’air circule entre la bouche et le nez, libérant ainsi les voies aériennes supérieures surtout en cas de couchage à risque, sur le ventre notamment.

Chez les enfants prématurés, la tétine permet de ne pas perdre le rythme de la succion lorsque l’enfant est alimenté par sonde ou par une perfusion et ainsi de pouvoir passer plus facilement à l’allaitement maternel.

Par ailleurs, il semblerait que la tétine nettoyée par la salive des parents prévienne de manière significative le développement des allergies chez les enfants, comme le montre l’étude sur 184 enfants d’une équipe de scientifiques de Göteborg en Suède3.

Les chercheurs expliquent ce phénomène par le transfert de bactéries, très présentes dans la salive des parents vers les enfants, ce qui stimule de façon importante la flore microbienne. Le développement de cette flore microbienne buccale dès la petite enfance renforcerait un système immunitaire plus résistant aux allergies.

… mais aussi des inconvénients

En introduisant trop tôt la tétine on peut interférer avec la mise en place de l’allaitement et provoquer des tétées d’allaitement plus faibles. La tétine étant plus souple que le sein maternel, l’enfant aurait une succion moins efficace.

En 2000, des chercheurs finlandais ont constaté que l’absence de tétine pendant 6 mois permettait de réduire d’un tiers le nombre d’otites sans pour autant trouver d’explication concrète à ce constat. Les dommages provoqués par la tétine sur le développement du système ORL de l’enfant ont aussi été étudiés en 2008 aux Pays-

Bas, sur un groupe de 476 enfants de 1 à 2 ans suivis pendant une période de 2,9 ans : 216 enfants utilisaient une tétine et 260 n’en utilisaient pas. Les résultats montrent que :

  • le risque d’otites moyennes récurrentes était 90 % plus élevé chez les utilisateurs de sucettes4.
  • Pour les auteurs de cette étude, l’augmentation du reflux de sécrétions naso-pharyngales dans l’oreille moyenne faciliterait l’entrée de pathogènes, et les changements de la structure dentaire provoqués par la tétine entraîneraient des dysfonctionnements du tube d’Eustache.
  • Enfin, le manque d’hygiène est un inconvénient majeur de la succion de la tétine : en « trainant » un peu partout les tétines deviennent de véritables nids à microbes…II. Le véritable enjeu : Quand arrêter?

La tétine n’est ni physiologique ni orthodontique

 

L’usage de la tétine est devenu un véritable phénomène de société : 3/4 des enfants d’Europe de l’Ouest en possèdent au moins une. Les fabricants rivalisent d’ingéniosité pour proposer aux parents d’acheter une sucette « individualisée » en fonction de l’âge de l’enfant. Certains n’hésitent pas à qualifier leur tétine de physiologique voire d’orthodontique et les proposent en pharmacie « Desappellations totalement commerciales – réagit Claude Bourdillat Mikol, orthodontiste – Entre le pouce et la tétine, le véritable enjeu n’est pas de savoir lequel a le moins de conséquences sur le développement de l’enfant mais à quel âge il va s’en passer. En effet, l’un et l’autre ont des effets sur la denture, la bouche et le sommeil de l’enfant.2. Les dommages réelsSur la formation du palais tout d’abord. – Une seconde conséquence qui découle de l’étroitesse du palais mais aussi du mauvais positionnement de la langue est la béance antérieure. De plus, pouce et tétine « tirent » en avant les dents du maxillaire supérieur.- La succion empêche également de fermer correctement la bouche et donc de muscler les lèvres.Il ne faut pas oublier que le palais est le plancher des fosses nasales.6 Dante Bresolin, DDS, MSD, Peter A. Shapiro, DDS, MSD, Gail G. Shapiro, MD et al. – American Journal of Orthodontics and Dentofacial Orthopedics Quelles que soient les conséquences de la succion, il existe des solutions pour les traiter. On commence lorsque la tétine ou le pouce a définitivement été abandonné par l’enfant. On peut ainsi débuter dès 4 ans, ou attendre jusqu’à 12 ans…La première étape consiste à élargir la mâchoire supérieure. On peut utiliser de nombreux dispositifs. Un des plus simples est la plaque à vérin dont l’activation permet d’élargir la mâchoire.Pour traiter le décalage antéro postérieur, l’orthodontiste utilise un appareil qui stimule la croissance de la mâchoire du bas. Cet appareil ressemble schématiquement à une gouttière dentaire, il est amovible et se porte la nuit.III. Comment arrêter : la responsabilité de l’adultePour beaucoup d’enfants, sucer son pouce ou une tétine est une forme d’addiction et certains parents peuvent se sentir désemparés face à ce comportement.

  • Pour aider les enfants, il faut éviter d’être dans le reproche.
  • 1. Le rôle de l’entourage adulte
  • Les deux étapes se succèdent : six mois chacune, pour une durée moyenne de traitement de douze mois. « Une fois que l’on a réparé le squelette – rappelle le Docteur Frédérique Aloé-Tavernier, orthodontiste, il faut rééduquer les fonctions perturbées par la succionet, notamment, bien s’assurer que l’enfant positionne correctement sa langue sur sonpalais lorsqu’il déglutit ».
  • Une plaque à vérin
  • Généralement le traitement s’opère en deux temps.

3. Comment répare-t-on ?

 

  • Un palais qui s’est mal développé peut entraîner des problèmes respiratoires en raison de fosses nasales trop étroites. Cette mauvaise ventilation engendre des rhinopharyngites, des rhinites, de l’asthme, des otites, ainsi que des troubles dusommeil et même parfois des retards de croissance et des apnées du sommeil6.
  • « Pour donner une image, la mâchoire se construit autour de l’obstacle ce qui créé des déformations et en l’occurrence l’obstacle c’est la tétine ou le pouce » précise leDocteur Claude Bourdillat Mikol.
  • – La langue étant en permanence maintenue en bas, elle ne vient plus s’appuyer sur le palais de l’enfant et donc stimuler sa croissance. Les enfants qui continuent de sucer leur pouce ou une tétine à un âge plus avancé présentent un risque plus élevé d’avoir un palais étroit.
  • D’un point de vue orthodontique, la succion prolongée a de multiples conséquences.
  • Plus la succion est tardive, plus les conséquences seront importantes. Il ne faut pas s’alarmer si l’enfant tète, mais faire en sorte qu’il soit sevré avant l’âge de 3 ans.

 

Le pouce c’est « moins grave » que la tétine

  • Les tétines ne sont pas physiologiques et encore moins orthodontiques ». Une étude de l’American Academy of Pediatric Dentistry démontrait déjà en 1992 qu’il n’y avait pas de différences notables sur les déformations dentaires chez les enfants qui utilisaient une tétine normale et une tétine dite physiologique ou orthodontique5.
  • Si l’enfant met instinctivement ses doigts dans sa bouche, la tétine est, en revanche, une invention humaine. C’est un objet extra corporel que le nouveau-né reçoit du personnel médical, de la famille…

1. Stop aux idées reçues !

  • Adopter un discours valorisant est la bonne méthode. On estime qu’il faut essayer de sevrer son enfant de la tétine dès l’âge de 6 mois 7 car c’est à cet âge que la communication orale commence. Or, avoir en permanenceune tétine dans la bouche nuit au langage.
  • On peut essayer de lui substituer progressivement un doudou,
  • d’augmenter les périodes sans et de limiter sa présence au moment de l’endormissement. « D’ailleurs la plupart du temps, les enseignants ne veulent pas qu’ils sucent leur pouce à l’école. Il y a des heures entières pendant lesquelles ils ne sucent pas leur pouce, c’est bien la preuve qu’ils sont capables de le faire » souligne le DocteurChoisir le bon moment a aussi son importance. Certains événements comme un déménagement, une séparation, la rentrée scolaire peuvent entraver la motivation de l’enfant. Mieux vaut attendre les vacances pour l’encourager à arrêter… quand tout va bien.En cas de doute ou de difficulté, si on pense avoir épuisé toutes les méthodes pour aider son enfant à abandonner la tétine ou le pouce, il ne faut pas hésiter à consulter un médecin ou un orthodontiste.« En tant que pédiatre, nous n’avons pas à prescrire ou interdire la tétine. Notre rôle consiste à vérifier, rassurer et accompagner les parents dont les enfants ressentent le besoin de téter ou au contraire ceux qui ont un usage excessif de la tétine » soulignele Dr Valleteau de Moulliac, pédiatre. « En général, après une visite chez l’orthodontiste, une première moitié d’enfants arrête immédiatement la tétine ou le pouce, et une autre moitié a besoin d’une étape.Aloé-Tavernier.
  • Généralement, en deux semaines c’est gagné et on considère qu’au bout de 3 mois c’est définitivement abandonné. Il reste cependant 1 à 2% pour qui c’est plus difficile ce qui rend d’autres visites nécessaires» conclut le Docteur Frédérique
  • Le rôle de l’orthodontiste est d’expliquer aux parents, qui n’en ont pas forcément conscience, ainsi qu’à l’enfant, quelles sont les conséquences concrètes liées à la succion non nutritive.
  • Parfois la parole d’un intervenant extérieur est une aide certaine.

2. Le rôle des professionnels de santé

  • Pleurer est naturel chez un enfant, c’est un moyen de communication. Il faut commencer par rechercher la cause des pleurs avant de lui mettre la tétine dans la bouche. Un enfant se construit également à travers la frustration. Répondre à ses attentes en lui mettant une tétine dans la bouche n’est pas la solution.

Quelques astuces pour les parents

Quelle(s) que soi(en)t la ou les méthodes choisies, il ne faut pas oublier le plus important : obtenir lʼadhésion de lʼenfant et ne surtout pas le brusquer, lui faire confiance et faire en sorte que la décision vienne de lui.

• Ne pas faire sortir la tétine de la chambre. La première étape serait de suggérer à lʼenfant de ne pas faire sortir la tétine du lit ou de la chambre.

• Ranger le doudou qui donne envie de téter.

• Mettre un sparadrap sur le pouce pour se rappeler et perdre le goût

• Ritualiser lʼarrêt de la tétine. On peut par exemple chercher avec son enfant toutes les tétines de la maison pour les mettre à la poubelle et ensuite fêter lʼévénement avec un petit cadeau.

• Chanter. Une étude menée chez les Petits Chanteurs à la Croix de Bois a permis de

montrer que la mobilité de la langue et la circulation de lʼair dans la pratique du chant corrigent naturellement les dégâts du pouce et de la tétine.

• Lʼarbre à tétine. Au Danemark, les parents ont pris lʼhabitude dʼaccrocher dans un arbre les tétines de leurs enfants quand ils sʼen séparent

Sources

1 «Les recommandations sur l’usage des sucettes », Pediatrics & Child Health, 2003 ; 8 (8) : 523-528 – www.cps.ca/francais/enonces/CP/CP03-

01.htm

2 American Academy of Pediatrics Task Force on Sudden Infant Death Syndrome. The changing concept of sudden infant death syndrome: diagnostic coding shifts, controversies regarding the sleeping environment, and new variables to consider in reducing risk. Pediatrics 2005;116:1245- 55

3 Pediatrics online May 6, 2013 doi: 10.1542/peds.2012-3345 Pacifier Cleaning Practices and Risk of Allergy Development)

4Rovers MM, Numans ME, Langenbach E, Grobbee DE, Verheij TJ, Schilder AG. Is pacifier use a risk factor for acute otitis media? A dynamic cohortstudy. Fam Pract 2008;25:233-6

5 Steven M. Adair, Michael Milano, Jennifer C. Dushku – Evaluation of the Effects of Orthodontic Pacifiers on the Primary Dentitions of Twenty-four- to

Fifty-nine-month-old- Children: Preliminary Study – (http://www.aapd.org/searcharticles/article.asp?article_id=1052).

 6 American Academy of Pediatrics. Subcommittee on Management of Acute Otitis Media. Diagnosis and management of acute otitis media. Pediatrics

2004;113:1451-65