Et si le cancer était une maladie simple et curable ? Et si les traitements n’avaient aucune raison d’être onéreux ?  Ce livre tranche avec le marasme ambiant. Après des années d’un fol espoir, le pessimisme règne dans les centres de recherche. De courbes de survie en berne, une mortalité qui stagne, des traitements de plus en chers mais inefficaces et douloureux pour les malades, … nous avons perdu la lutte contre le cancer. Chaque année, 150 000 malades meurent de notre conformisme et de notre incapacité à remettre en cause un dogme que nous savons faux.

Après des décennies de fol espoir, la fatalité a envahi les centres de recherche contre le cancer. Des courbes de survie en berne, une mortalité qui augmente, des traitements de plus en plus chers mais pas plus efficaces. Plus que la puissance de certains lobbys, 150 000 malades meurent chaque année de notre conformisme et de notre impuissance à remettre en cause un dogme que nous savons pourtant tous inefficace.   Le cancérologue Laurent Schwartz a réuni dans le cadre prestigieux de l’École Polytechnique d’éminents scientifiques de diverses disciplines pour analyser les causes de l’échec de la lutte contre le cancer depuis 50 ans et explorer de nouvelles voies de traitement. Les premiers résultats expérimentaux s’annoncent extrêmement encourageants, offrant un espoir véritable mais difficile à faire admettre auprès d’une communauté scientifique et médicale naturellement conservatrice et peu encline aux révolutions.

VOICI LES « BONNES FEUIRLLES  » DE L’OUVRAGE*
Guérir malgré tous ces errements
« Je suis entré en cancérologie pour guérir. J’étais certain d’un proche lendemain où je sauverai tous mes malades. Le début de mon internat fut grisant, je quittais le monde des livres pour aborder celui du réel. J’étais puissant, mes premiers malades répondaient aux traitements. Mais j’ai vite déchanté, les malades inexorablement rechutaient. Je me retrouvais à prescrire de la morphine et à planifier leur euthanasie. Cette puissance là n’est pas la mienne. Quand je posais des questions à mon patron pour tenter de comprendre le monstre qu’est le cancer, il ne répondait pas. Pire, il ne semblait pas entendre la question. La dureté du quotidien aux lits des incurables, mais surtout l’absence d’espoir me firent fuir la cancérologie strasbourgeoise pour m’établir au Massachussetts General Hospital de l’université de Harvard. Là, je pratiquais la radiothérapie et en particulier la protonthérapie. Je trouvais des maîtres qui m’expliquèrent leurs certitudes du cancer. Le cancer était une maladie du génome, le jour où ces anomalies seront sous contrôle, le malade guérira. Mes maîtres avaient apparemment tout, l’intelligence, le pouvoir, l’argent et la renommée. Mais en réalité tout n’était que mirage. La haute technologie ne pouvait pallier à la tristesse de la réflexion. En réalité, même le roi était nu. Je restais sur ma faim. Je reviens en France à l’hôpital Tenon dans un quartier ouvrier de l’est parisien. Je me rappelle, frais émoulu d’Harvard, poussant le brancard d’un patient en fin de vie. Mon nouveau patron, Alain Laugier était là, dans la consultation. Comprenant qu’il ne pouvait rien pour ce patient. Il lui dit qu’il était urgent de se reposer et lui proposa une rasade de punch, puis nous discutâmes ensemble du sens de la vie. Nous ne rêvions plus à un avenir sans cancer, mais nous restions humains. J’ai aimé ce maître mais je restais sur ma soif. Alain Laugier me laissa libre (et je lui en reste infiniment reconnaissant) d’aller explorer des terres inconnues de la cancérologie, à savoir la physique et les mathématiques. Le prétexte fut d’améliorer les accélérateurs de particules pour la radiothérapie. Pour irradier les patients, on utilise habituellement des rayons X. Ces rayons pénètrent le cancer mais ne s’arrêtent pas à la sortie. La tumeur irradiée sera, espérons le, détruite mais les tissus sains adjacents au cancer peuvent être eux aussi être détruits. On peut mieux faire, mais c’est beaucoup plus cher. Si au lieu d’accélérer des Rayons X, on accélère des protons, ces derniers vont s’arrêter dans le tissu à une distance précise par exemple à la lisière de la tumeur (les physiciens parlent de pic de Bragg). La dosimétrie est meilleure et donc l’efficacité plus importante et la toxicité moins invalidante. Mais le proton est une particule lourde et donc difficile à mobiliser. Un accélérateur de protons comme le synchrocyclotron d’Orsay pèse plus de 3 000 tonnes. Le coût d’une telle installation se chiffre en dizaines de millions d’euro. Au hasard d’une conférence, je rencontrais un scientifique soviétique qui venait d’arriver à l’Ecole Polytechnique. Il avait dirigé un des programmes de la guerre des étoiles. Pour contrecarrer une éventuelle attaque américaine, les russes avaient fabriqués des petits accélérateurs transportables dans l’espace. Là, ils pouvaient irradier un satellite ennemi et ainsi en bloquer l’électronique. Nous étions loin des 3000 tonnes. CANCER GUERIR TOUS LES MALADES ? Laurent Schwartz et Jean-Paul Brighelli Extraits Nous construisîmes donc une partie de cet accélérateur, de la taille d’une boite à chaussure qui produisait des rayons X extrêmement puissants et intenses. Malgré une publication dans la revue Nature, je n’obtins jamais le financement pour poursuivre l’entreprise. Mais j’étais détaché à mi-temps à l’Ecole Polytechnique loin de la clinique mais proche des mathématiciens et des physiciens qui devaient aider à déchiffre cette « puzzle » qu’est le cancer. Car il faut bien avouer que je ne sais répondre aux vraies questions que posent malades et familles. Que notre travail de cancérologue est encore aujourd’hui à construire. […] Un traitement souvent inefficace J’aime les chiffres, vous l’avez compris. Au risque de vous surprendre, il n’y a pas d’analyse claire de l’épidémie de cancer. Il exite de multiples analyses ponctuelles mais pas de tableau global. Avec l’aide de deux mathématiciens amis, l’un de Polytechnique, Jean Marc Steyaert, l’autre de la faculté Dauphine, Mireille Summa, nous avons colligé l’ensemble des données disponibles sur internet. Il existe souvent éparpillés parfois regroupés par des institutions comme l’Agence Internationale contre le Cancer basée à Lyon des fichiers. Nous avons ainsi récupéré les données sur une cinquantaine de pays et ce sur plusieurs dizaines d’années. Ceci est moins simple qu’il n’y parait. Certains pays ont disparu comme l’Allemagne de l’Est, l’URSS ou la Yougoslavie. D’autres sont apparus, comme la Croatie ou la Slovénie. Les classifications ont, elles aussi, variées devenant de plus en plus précises. Le travail d’homogénéisation et de nettoyage des données a été colossal. Nous avons donc et le plus légalement du monde un fichier avec le nombre de morts par cancer ou d’autres maladies stratifiés par tranche d’âge, sexe et lieu de vie. Nous avons donc créé le premier fichier où nous pouvions vraiment étudier l’évolution de la maladie. On peut ainsi comparer l’évolution de la mortalité au cours du temps en tenant compte de l’évolution de la population et de son vieillissement. John Bailar, un américain avait écrit dans le prestigieux New England Journal of médecine en 1997 un article qui lui avait valu à la fois notoriété et calomnie : Are we loosing the battle on cancer? ( Sommes nous en train de perdre la guerre contre le cancer?). Il démontrait, chiffres américains, à l’appui, que la mortalité par cancer, loin de diminuer, stagnait. Notre travail, près de vingt ans plus tard, confirme ces premiers résultats. Et surtout montre que nous n’avançons que très lentement, malgré les centaines de milliards dépensés dans la recherche. Nos chiffres, aujourd’hui publiés, confirment un échec patent. Il n’est que temps de se remettre en question. Aujourd’hui, encore, un cancer du pancréas, du cerveau ou du poumon reste une maladie presque toujours mortelle. Nous n’avons pas vidé les centres anticancéreux, comme hier, les sanatoriums.
La vraie raison de cet échec tient que les traitements n’ont pas vraiment changé depuis des décénies.
Depuis que la radiothérapie a été découverte, en 1896, puis la chimiothérapie anticancéreuse, en 1942, on continue à suivre les mêmes orientations. Certes, on a affiné les traitements, on en a diminué la toxicité, mais, un peu comme le moteur à explosion, mis au point à la fin du XIXe siècle, ils ont fondamentalement peu varié: l’automobile d’aujourd’hui est bien performante que celle de nos parents, soit, mais elle n’en est pas si radicalement différente. Il en va de même avec nos thérapeutiques. Le bruit en a couru, tout d’abord chuchoté par quelques professionnels de a révolte puis, plus récemment, et de façon explicite, par des scientifiques plus conventionnels: nous n’avons pas compris le cancer. Au centre des incohérences : l’absence de thérapeutique probante. Longtemps nous avons espéré être au milieu du gué: le progrès était en marche. Cependant, nous devons le reconnaître: nous avons fait fausse route. À partir de ce constat, un premier choix possible et prudent aurait été de continuer à affiner le diagnostic, améliorer la posologie et limiter la toxicité du traitement. Repousser des limites, c’est chaque fois sauver des vies. Néanmoins, le cancer, comme avant lui la tuberculose, la septicémie ou l’appendicite, doit avoir sa solution. À l’instar des révolutionnaires qui rêvent du grand soir, notre illusion est de croire que demain le cancer sera une maladie curable. Notre vision de la médecine a été forgée au début du siècle passé selon l’idéologie dominante dans des termes guerriers. La guerre de 1914-1918 s’annonce aussi dans la perception de la maladie. D’un côté les bons: le système immunitaire, sorte de police dont le seul but est de traquer l’ennemi bactérien ou cancéreux. Dans ce monde simplifié, d’un côté les gentils, le système immunitaire de l’autre les méchants, ces étrangers qui jouent perso. L’infection sera guérie par les antibiotiques. Mais le cancer va résister. Le cancer, cette cinquième colonne hitlérienne va envahir les tissus, franchir les frontières (en médecine on parle de barrières), coloniser les tissus sains. On va combattre le cancer avec les mêmes armes que l’ennemi aux frontières. Seuls des frappes chirurgicales, l’éradication par des drogues dérivées des gaz de combat, des rayons similaires à ceux du feu nucléaire peuvent sauver la victime. Le patient vaincra ou périra, avec les honneurs de la Guerre, en ayant été terrassé lors d’un ultime combat. Notre médecine est le fruit de cette violence-là. […] La chimiothérapie attaque l’ADN, tue des cellules, cancéreuses ou non. En éclatant, ces cellules mortes libèrent leurs protéines dans le milieu extracellulaire. Le mécanisme est semblable à celui de l’inflammation: des lymphocytes accourent au festin, les fibroblastes prolifèrent. D’où la naissance d’une fibrose qui engainera les cellules tumorales survivantes et pourra, par là même, empêcher leur prolifération. Mais ce festin profite aussi aux cellules tumorales qui ont survécu. C’est une victoire à la Pyrrhus. Je n’ai pas la prétention d’expliquer à mes maîtres le mécanisme d’action de nos traitements. Cependant, les faits sont têtus. Le cancer est peint comme la conséquence de multiples anomalies du génome. On perçoit mal comment une chimiothérapie ou une radiothérapie pourraient redresser ces multiples distorsions. Comme nous sommes incapables de redresser ces dysfonctionnements de l’ordinateur central, nous pensons qu’il vaut mieux détruire la cellule folle: c’est logique, mais cela ne semble pas opérant. La découverte des quelques médicaments dont nous disposons semble plus le fruit du hasard et de l’intuition que d’une quelconque logique. Leur mode d’action n’est pas aussi clair que ce que l’on nous dit. Si j’insiste sur la fibrose, c’est que je crois qu’elle explique au partiellement l’effet de la chimiothérapie et de la radiothérapie. La nourriture arrivera moins facilement à la tumeur et surtout elle sera comprimée par une gangue. […] Les cellules cancéreuses sont constituées la même proportion d’eau, de sel ou de protéines que les tissus sains. Rien de bien spécifique. Parfois il existe des calcifications qui seront visibles en blanc sur la radiographie. Le calcium précipite autour du cancer. Mais calcification ne veut pas dire cancer. Mais on peut avoir des calcifications traces d’un ancien hématome conséquence d’ un choc. Mais ces calcifications sont habituellement d’origine tumorale quand elles infiltrent et envahissent la glande. Et comme tout ceci est très difficile et que les procès sont légions, le radiologue va fréquemment s’abriter derrière l’avis d’un confrère. On parlera de double lecture que l’on facturera (double). […]
La révolution est possible
Il y a cent ans, il était tout aussi difficile de diagnostiquer et de traiter une tuberculose qu’un cancer. Le bacille de Koch peut se loger dans les poumons mais aussi dans les reins, la vessie ou l’os. La tuberculose peut être rapidement fatale ou, au contraire, d’évolution lente, voire bénigne. Le génie de Koch aura été, en identifiant le bacille, d’unifier ces tableaux cliniques variés en une seule et grande maladie. Le cancer, lui, a connu un chemin inverse. Devant l’absence d’une compréhension réelle de la maladie, la cancérologie moderne a tâtonné, faisant preuve d’empirisme en définissant progressivement des groupes de cancers à la structure ou au traitement spécifiques. D’où un foisonnement de classifications et de groupes au traitement discrètement différent, mais au pronostic souvent similaire. On ne parle plus du cancer, mais des cancers aux multiples grades, stades ou histologies.   La cancérologie est progressivement devenue un dogme et, comme tous les dogmes, elle a sa part de propagande. Pour cacher son ignorance, le médecin parlera d’une maladie multifactorielle, polygénique, termes modernes qui rappellent de plus vieux mots tels que: idiopathique, idiosyncrasique, homéostasie – mais tout ce jargon n’a qu’un but: dissimuler son incompréhension. De même, nommer un gène oncogène, c’est-à-dire gène du cancer, c’est lui conférer des pouvoirs magiques, redoutables, un attrait irrésistible, hors du commun – alors que ces gènes permettent simplement à la cellule de capter et de digérer la nourriture. Le cancer, comme avant lui la tuberculose, la septicémie ou l’appendicite, doit avoir sa solution. À l’instar des révolutionnaires qui rêvent du grand soir, notre illusion est de croire que demain le cancer sera une maladie curable« .
*CANCER GUÉRIR TOUS LES MALADES, Laurent Schwartz & Jean-Paul Brighelli – Hugo et compagnie